Page:Say - Œuvres diverses.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Parmi beaucoup d’objets d’utilité publique, on s’occupe vivement des canaux de navigation. Mais tout le monde sait-il bien en quoi et jusqu’à quel degré ils sont favorables à la richesse nationale ? Je voudrais pouvoir conduire avec moi les personnes qui pourraient concevoir quelques doutes sur ce point, jusques dans les gorges des montagnes du Jura, en Auvergne ou dans les Pyrénées ; je leur montrerais des arbres de cent pieds de haut, qui ne valent pas cent sous ; que dis-je ? qui n’ont aucune valeur, puisque leurs propriétaires les laissent périr sur place. Je leur montrerais ensuite ces mêmes arbres, ou les planches qui en proviendraient, conduits par des transports faciles sur les quais d’une grande ville, acquérant dès lors une valeur, et fournissant de nouveaux produits aux besoins de l’industrie et de la consommation.

Appliquons les réflexions que fait naître cet exemple à tous les cas de production et de consommation, et nous aurons la clef de tous les avantages que procurent la mer, comme moyen de communication, les chemins praticables, et les canaux de navigation qui ne sont que des routes perfectionnées. Création de valeurs là où elles n’existaient pas ; augmentation de valeur là où elle existait ; augmentation de la quantité des produits en faveur du consommateur[1]. Dès lors toutes les parties d’un pays jouissent de tous leurs moyens de production. On peut, avec sécurité, produire des blés dans la Beauce, des vins dans la Champagne, des huîtres à Cancale, et des pâtés à Amiens. Les frais de transport de tous ces produits à Paris, n’absorbent pas la totalité de leur valeur, et Paris, de son côté, peut les payer en meubles, en châles, en livres…. Qui peut nombrer l’immensité de ses produits ?

Cependant les progrès dans l’industrie commerciale, comme dans les autres industries, consistent à obtenir les mêmes avantages à moins de frais, ou, ce qui revient exactement au même, de plus grands avantages pour les mêmes frais. Les produits en sont moins chers ; ils sont plus généralement consommés, plus activement reproduits. Or, le roulage est un moyen de communication borné et dispendieux. Il n’ap-

  1. Voyez dans mon Traité d’Économie politique (liv. 1 chap. 15) comment l’abondance des produits d’une nation, tout en faisant baisser les prix dans l’intérêt des consommateurs, ne nuit cependant pas aux intérêts du producteur. Il se fait à présent en France, cent fois plus d’étoffes de tous genres qu’il ne s’en faisait sous le règne du roi Jean ; on 1rs achète à bien meilleur marché, et il y a beaucoup plus de gains faits par les auteurs de ce genre de production. (Note de l’Auteur.)