Page:Say - Œuvres diverses.djvu/270

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que ses nombreux consommateurs jouissent encore des avantages qu’ils s’étaient promis d’un si grand sacrifice[1]. La place de la Bastille, la gare de l’Arsenal, ne sont que des décombres amoncelés dans un cloaque, qui obstruent et déshonorent une des plus belles avenues de Paris, dont ils pourraient être un des plus beaux ornements.

Peut-on, sans quelque regret, voir les vastes terrains qu’occupent déjà les canaux entrepris, ravis à l’agriculture sans être donnés au commerce ? Le voyageur qui arrive du Nord par les routes du Bourget, de Saint-Denis, de Clichy, que pense-t-il en voyant ces avenues de la Capitale coupées par des tranchées, surchargées par des remparts de terre, comme si l’on attendait encore l’ennemi ? Est-ce l’incurie de l’administration qu’il accuse ? Est-ce l’inconséquence de la nation, ou son indigence ?

Il me semble que si, au lieu de ces traces de bouleversement, toujours fâcheuses par les réflexions qu’elles font naître, on rencontrait des ponts solides, des canaux couverts de bateaux dans une perpétuelle activité, des portes d’écluses s’ouvrant à toute heure au commerce et à l’abondance, la vanité nationale (sentiment louable quand il ne se complaît pas dans un vain faste ou dans l’humiliation d’un ennemi), aurait lieu d’être plus satisfaite. Des travaux abandonnés, qui ont de l’inconvénient partout, en ont davantage encore sur des points aussi fréquentés. Je suis importuné de ces remarques qui se renouvellent trois ou quatre cents fois par jour sur un grand travail entrepris durant une administration précédente, et que l’administration régnante ne trouve pas les moyens d’achever.

Or, de quoi s’agit-il ?

Le bassin de la Villette est le réservoir où se rendent déjà les eaux de la petite rivière de Beuvronne. Il reste encore à faire une prolongation de canal de quelques milliers de toises, pour que nous puissions y voir arriver les eaux de la Térouane, et surtout celles de l’Ourcq, rivière assez considérable pour porter bateau, et qui se jette

  1. Outre les intérêts des travaux faits que la commune de Paris perd sans compensation aussi longtemps que les travaux demeurent suspendus, elle est obligée à des frais positifs pour l’entretien des parties terminées et même pour la continuation nécessaire du surplus. Le temps de la confection, époque de dépenses et de souffrances, se prolonge de cette manière, et le moment où l’on doit jouir de tant de sacrifices s’éloigne. C’est comme si après avoir entrepris sur le corps d’un malade une opération douloureuse, on la suspendait pour marchander avec le chirurgien. (Note de l’Auteur.)