Page:Say - Œuvres diverses.djvu/282

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si, passé le moment de la transition, elle gagne tout autant ; si l’expérience vient encore à l’appui de cette assertion ; si le raisonnement nous fournit l’explication du fait, que pourra répliquer M. de Sismondi ? Il est de fait que les arts où il y a le plus de salaires gagnés, sont ceux où les perfectionnements ont été portés le plus loin. On a cité, pour exemple, la filature du coton : depuis qu’elle s’opère par de grandes machines et par des moteurs aveugles, on y occupe un plus grand nombre d’ouvriers, et, dans les grades pareils, les ouvriers y sont mieux payés. On a cité de même l’art de multiplier les copies d’un livre ; car l’imprimerie et les arts qui en dépendent occupent beaucoup plus de monde que les copies manuscrites n’en occupaient avant cette invention[1].

D’où vient cet effet ? C’est que le bas prix favorise la vente. On peut acheter dix aunes d’étoffe au lieu d’une que l’on pouvait acheter auparavant ; dix volumes imprimés au lieu d’un seul manuscrit. Et comment les producteurs ont-ils les mêmes moyens d’acheter, quoique leurs produits aient baissé de prix ? C’est parce que la baisse des prix est venue, non de ce qu’on a payé une moindre somme de salaires, mais de ce que, grâce aux progrès des sciences et des arts, pour les mêmes salaires on a obtenu plus de produits.

Les progrès des arts sont très-divers suivant les localités et les industries. Il y a des cas où c’est un grand progrès qu’une économie de deux ou trois pour cent dans les frais ; mais il y en a d’autres où la génération présente a vu des économies de moitié et de trois quarts[2] :

  1. L’auteur a également réfuté Sismondi sur ce point dans son Cours complet d’Économie politique, édition Guillaumin, tome V, page 190.
    (H. S.)
  2. Voici, à cet égard, quelques détails intéressants que je trouve dans une note qui m’est fournie par mon ami, M. Clément Desormes, que des connaissances pratiques fort étendues ont rendu célèbre comme chimiste industriel. — « Un exemple remarquable de la diminution que les progrès de l’industrie ont occasionnée dans les frais de production, est celui que présente l’acide sulfurique, qui, en 1788 ou 1789, valait cinq à six francs la livre et qui aujourd’hui vaut trois sous. Cependant, les matériaux employés à le produire ont à peu près doublé de prix ; mais l’économie dans les moyens de fabrication a été énorme. Autrefois, un homme était occupé constamment à brûler du soufre dans des vases de verre dont les capacités réunies ne surpassaient pas quelques centaines de litres. Aujourd’hui, une seule personne n’emploie pas le quart de son temps à soigner le même travail, dans des capacités d’un ou deux millions de litres ! — La gravure d’un cylindre de cuivre pour l’impression des indiennes occupait un homme de talent pendant six mois ; et l’impression au cylindre était déjà un grand perfectionnement. Aujourd’hui un homme, que l’on peut payer moitié moins, exécute le même ouvrage en quelques heures. — On