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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/295

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d’une assertion par laquelle on prétendrait que les habits sont entre eux relativement à leur valeur, comme la quantité de drap employée pour les faire, sauf pourtant les diverses qualités du drap ? Où serait la vérité, où serait l’utilité d’une telle proposition, surtout si elle devait servir de base à une déduction rigoureuse et mathématique ? La proposition ne devrait-elle pas en réalité être changée en une proposition diamétralement opposée, qui serait que la valeur des habits entre eux n’est pas comme la quantité de drap qu’il a fallu pour les faire ? Que deviendraient dès lors les conséquences rigoureuses qu’on aurait tirées de la première proposition ?.

Pour ramener tout à son idée dominante, que la quantité de travail influe seule sur le prix des produits et devient par là l’unique source des richesses, David Ricardo doit prouver que l’action végétative de la terre n’y contribue en rien. On sait comment il s’y prend pour le prouver. Il suppose que le territoire d’un pays est assez vaste encore par rapport au nombre de ceux qui l’habitent et qui peuvent le cultiver, pour que les terres de première qualité vaillent seules la peine d’être cultivées. Elles donnent un produit qui suffit pour indemniser le cultivateur de ses peines et de ses avances ; mais rien au delà. Si le cultivateur est en même temps propriétaire, son champ ne lui donne aucun profit foncier ; s’il ne l’est pas, il ne peut payer aucun fermage ; car alors il ne rentrerait pas dans la totalité de ses avances, et il préférerait ne pas cultiver le champ.

Cette société se multiplie et devient plus riche ; la demande des produits du sol s’augmente en conséquence, et en porte le prix à un taux tel qu’il devient profitable de cultiver les terres de seconde qualité que Ricardo désigne sous le nom de terres No 2. Celles-ci, avec le même capital, les mêmes soins, le même travail, ne rendent que 90, sur le même espace où les terres No 1 rendent 100. Dès cet instant, dit-il, un fermage est possible ; car, du moment que la valeur des produits territoriaux est telle que des cultivateurs trouvent leur compte à cultiver des terres qui, sur un espace donné, rendent 90 boisseaux de froment au lieu de cent, les propriétaires des terres Not trouveront des cultivateurs qui feront un profit pareil, même lorsqu’ils paieront 10 boisseaux (ou la valeur de 10 boisseaux) pour le fermage. Après avoir payé ces 10 boisseaux, les cultivateurs des terres de première qualité recueilleront encore 90 boisseaux qui suffisent pour indemniser ceux qui cultivent les terres de deuxième qualité.