Page:Say - Œuvres diverses.djvu/300

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Or, si la valeur capitale n’est pas consommée, en produisant on ne consomme aucune portion d’un travail antérieur. On ne consomme que le temps, le service, si l’on peut s’exprimer ainsi, du capital employé ; de même que, lorsqu’on a cultivé une terre, après qu’on y a recueilli une récolte, on a consommé le service du sol pendant un an ; mais l’on n’a point consommé le sol lui-même qu’on peut vendre, toutes choses égales d’ailleurs, aussi cher après la récolte qu’on l’aurait vendu avant de l’avoir ensemencé. Après que l’on s’est servi d’un capital pendant une année, on peut le placer intégralement d’une autre manière, l’employer à une autre production. La valeur du capital, comme la valeur de la terre, est indépendante de la valeur du service qu’ils rendent. On achète le service d’un capital, d’une terre, de même que l’on achète le service d’un ouvrier, sans détruire la chose ou la personne dont on a acquis le service pendant un temps quelconque.

Pour appliquer à notre sujet cette démonstration qui a totalement échappé à Ricardo et à son école, comme elle avait échappé à Smith, si un capital est un travail ancien qui a été amassé et incorporé, pour ainsi dire, dans une machine ; et, si ce capital ancien n’est point définitivement consommé dans la production d’un nouveau produit, la valeur de l’ancien travail ne fait nullement partie de la valeur du produit nouveau. Celui-ci est le résultat d’un service nouveau, sans cesse renaissant, mais d’un triple service : celui des travailleurs, celui des capitaux, et celui des fonds de terre, quoique Ricardo n’en reconnaisse qu’un : celui des travailleurs d’ancienne ou de nouvelle date. Le travail des travailleurs anciens a été incorporé dans un produit appelé machine ; le produit des travailleurs nouveaux a été incorporé dans un autre produit, appelé, si l’on veut, étoffe ; ces deux produits existent simultanément ; aucune portion de la valeur de l’un n’a ; passé dans l’autre.

Un autre exemple présentera la même doctrine sous un autre aspect. Un spéculateur emploie une somme de dix mille francs à l’achat d’une partie de vin ou d’eau-de-vie, avec l’intention de l’améliorer en la gardant. En accordant que ce capital soit le fruit d’un travail ancien mis en réserve, le profit que le spéculateur fera sur la liqueur ne saurait passer pour le produit de ce travail. C’est le capital lui-même qui est le fruit de ce travail et qui peut être réemployé ou consommé, après que la spéculation aura été terminée et aura procuré uni profit indépendant de la somme de dix mille francs employée par le spéculateur.