Page:Say - Œuvres diverses.djvu/301

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Il est impossible de ne pas convenir qu’un capital est un produit différent des nouveaux produits auxquels il concourt ; qu’en sa qualité de fonds productif, il rend un service qu’on est obligé de payer sous le nom d’intérêt, que l’intérêt des capitaux compose une partie des frais de production, et doit, par conséquent, faire partie du prix des marchandises, si le producteur veut rentrer dans ses frais. Pourquoi s’élever contre ces notions déjà adoptées par le bon sens du public ? Et pourquoi qualifier du nom de grandes découvertes des principes abstraits qui leur sont opposés et que contrarie l’expérience ?

L’expérience dément pareillement cette autre assertion de la même école, que les salaires de l’ouvrier et les profits de l’entrepreneur sont perpétuellement en opposition ; que les salaires ne sauraient hausser, sans que les profits baissent, et vice versa. Quiconque a vu beaucoup d’entreprises industrielles peut rendre témoignage que c’est dans celles qui donnent les plus gros bénéfices à leurs auteurs, que les ouvriers sont le mieux payés. À Paris, comme à Londres, on bâtit beaucoup, à l’époque où nous sommes, ce qui est une preuve qu’on trouve de beaux profits dans cet emploi de capitaux. Or, dans l’une et l’autre ville, les ouvriers qui travaillent à la confection des maisons, les maçons, charpentiers, menuisiers, couvreurs, serruriers et les autres, sont peut-être les ouvriers qui, à talents égaux, gagnent les plus forts salaires. La vive demande d’un produit est favorable à tous les producteurs qui s’en occupent, et le profit des uns n’a point lieu aux dépens des autres. — C’est une circonstance accidentelle, dira-t-on, qui détermine un semblable effet. — Mais peut-on appeler accidentelle une circonstance qui dure des siècles ? La manufacture des glaces de Paris donne des profits considérables, depuis cent cinquante ans qu’elle existe.

La situation de la société, ajoutera-t-on, occasionne la demande d’un certain produit au point d’en élever les frais de production ; et la valeur du produit demeure encore égale aux frais de production ; mais, si la demande occasionne cet effet, comment peut-on refuser à l’étendue de la demande toute influence sur les prix ?

L’expérience dément encore une autre assertion de Ricardo. Il a dit qu’en même temps que le prix de la main-d’œuvre règle la valeur des produits, c’est le prix des denrées de première nécessité (des grains en Europe, par exemple), qui règle le taux de la main-d’œuvre, et que le renchérissement du blé diminue le taux des profits et augmente les