Page:Say - Œuvres diverses.djvu/433

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faites en France annuellement. Les profits de l’industrie y sont infiniment plus multipliés et les dépenses mieux réglées. Et sous ce rapport un gouvernement qui excite à la profusion nuit aux prêts qu’on pourrait lui faire.

La seconde cause principale et probablement la plus influente1 du bas intérêt, le crédit proprement dit tient à la persuasion plus ou moins forte où l’on est, que le gouvernement paiera exactement les intérêts. Cette persuasion ne peut être vive et générale que lorsque l’ordre politique est assez stable et assuré pour que le public croie qu’il sera l’année prochaine comme cette année, l’année suivante comme l’année prochaine, etc., et lorsque le public sent qu’aucun changement ne saurait avoir lieu par aucune volonté arbitraire. En Angleterre, quelque parti qu’on suive, on a la persuasion intime que quel que fût le désir ou du prince régent, ou de la chambre des lords, ou de la chambre des communes de recourir à la banqueroute, ils n’oseraient en faire la tentative, et voilà pourquoi ils trouvent des prêteurs malgré l’état déplorable de leurs finances.

Mais comme les volontés humaines, quelque fermes et unanimes qu’elles soient, échouent contre la force des choses, la subversion aura lieu. Quand on dépense chaque année un milliard au delà des rentrées courantes, que les impôts qui fournissent ces rentrées courantes doivent par conséquent être augmentés chaque année de tout l’intérêt de ce milliard emprunté et que ces impôts, tels qu’ils sont, commencent déjà à devenir intolérables et ne produisent plus ce que l’on s’en promettait, il faut qu’il y ait un éclat, quelque intéressé que tout le monde soit à l’éloigner.

Les finances de France sont dans une bien meilleure position, et seraient dans une position excellente, si l’économie politique était un peu mieux entendue parmi nous.

Recevez, Monsieur, mes salutations.

J.-B. Say