Page:Say - Œuvres diverses.djvu/649

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brillaient de fureur, comme si j’avais voulu le tuer, ou démeubler la boutique de son maître. La citoyenne Vachon disait : En vérité ce chien est insupportable. Mais elle n’aurait pas voulu lui faire une égratignure, et son air semblait me dire à chaque instant : Ne le trouvez-vous pas bien joli ! Je le trouvais affreux ; et je sortis plein d’humeur en disant : Ce sera pour une autre fois.

Un ami à qui je racontai l’autre jour cette aventure, me dit : Au moins ce petit chien n’est-il incommode que pour les étrangers, et laisse-t-il ses maîtres tranquilles dés qu’il n’y a personne dans leur boutique ; mais moi j’en connais un qui est un vrai fléau pour ses maîtres. C’est un doguin qu’on a nommé Pluton, qui mange tout ce qui se trouve à sa portée, mangeable ou non. Rien n’égale la voracité de ce petit animal. On ne saurait nombrer la quantité de paires de gants, d’étuis de ciseaux, d’éventails, qu’il a, je ne dis pas mâchés, mordillés, mais mangés. Moi qui vous parle, ajouta mon ami, j’en suis pour un chapeau, et ma sœur pour un falbala de linon festonné qui a été dévoré pendant une partie de reversis ; tous les rideaux de la maison sont morcelés, et les tapis dans l’état le plus pitoyable ; cependant on ne le laisse manquer de rien, et l’on fait mettre un poulet à la broche, parce que c’est le blanc de poulet qu’il préfère.

Si je voulais, citoyens, vous citer tous les exemples que je connais de la manie des animaux inutiles, je ferais une lettre qui ne tiendrait pas dans un de vos numéros ; et sans vous parler des singes et des perroquets, je vous dénoncerais la folie de V…x qui passe sa vie à faire nicher des serins, et qui ne sait soutenir une conversation un peu longue, sur autre sujet que le mélange des races, les métis, et tout ce qui s’ensuit.

Je vous parlerais de D…y qui peuple sa maison de souris blanches : les unes font tourner un moulin à vent, les autres font aller une cascade ; en entrant chez lui, on est désagréablement affecté, et par la puanteur de sa ménagerie, et par la captivité de ces petites bêtes, dont l’air vif et éveillé contraste avec le triste métier qu’on leur fait faire.

J’entamerais le chapitre des inconvénients que tous ces animaux trainent à leur suite, de leurs consommations, de la malpropreté qu’ils occasionnent : y a t-il une maison dans Paris dont l’escalier ne soit indignement souillé d’ordures ? Pour moi, j’ai renoncé à aller chez un homme instruit et aimable, parce qu’il demeure dans une immense maison, où, sur le pied de trois animaux par ménage, il y a bien soixante bêtes, sans compter leurs maîtres, ce qui fait de l’escalier et de tous les passages de cette maison des cloaques infects qui choquent la vue autant que l’odorat, et dont on ne peut se tirer sans souillure. Enfin, je ferais sentir le ridicule, l’inconvénient, les dangers de mille petites et