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ESSAI SUR LE PRINCIPE DE L’UTILITÉ


§ ler. — Ce qu’il faut entendre par le principe de l’utilité[1].


Dans les premiers chapitres de la première partie de mon Cours complet d’Économie politique pratique, j’ai parlé des besoins qu’éprouvent les hommes en société, sans mettre en doute qu’ils éprouvassent des besoins, soit comme individus, soit comme faisant partie du corps social. J’ai seulement fait remarquer que ces besoins sont beaucoup plus nombreux dans une société civilisée que dans l’état sauvage. J’ai dû négliger de m’occuper des besoins de l’homme isolé et m’attacher aux besoins de l’homme social, puisque j’avais pour objet de l’aire connaître l’économie de la société.

J’ai appelé des biens toutes les choses propres à satisfaire nos besoins, et je nomme utilité la qualité qui les y rend propres. On peut critiquer ces expressions ; maiscomme elles s’appliquent à des idées réellement existantes, si l’on ne les jugeait pas bien exprimées, il faudrait les désigner par d’autres expressions. Je n’ai voulu que leur donner des noms que tout le monde pût aisément comprendre ; et pour que différentes personnes n’attribuent pas à ces noms des significations diverses, je prends, comme toujours, le soin de préciser le sens que j’y attache, sans me refuser à adopter des noms meilleurs si l’on en trouve.

J’ai remarquée aussi, dès les premiers chapitres du même ouvrage, et dans tout son cours, que l’utilité des choses et des actions avait une infinité de nuances et une importance très-diverses, selon que les choses servaient à satisfaire à des besoins indispensables ou futiles ; et, sans m’arrêter au degré de l’utilité, j’ai prié que l’on considérât comme utile ce qui pouvait servir, soit en pourvoyant à nos besoins

  1. Le Principe de l’Utilité, nettement proclamé par Jérémic Dentham dans ses Traités de Législation, faute d’avoir été bien compris, a donné lieu à des déclamations et à des inculpations peu charitables. Il était d’autant plus nécessaire d’éclaircir les controverses auxquelles il a donné lieu, qu’il est l’unique critérium d’après lequel on puisse juger sainement les actes et les doctrines des législateurs et de l’administration, et qu’il a servi de guide à toutes les personnes qui ont professé une philosophie élevée, souvent sans qu’elles s’en doutassent elles-mêmes.
    (Note de l’Auteur.)