Page:Say - Œuvres diverses.djvu/746

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indispensables, soit en multipliant nos jouissances, soit en gratifiant nos goûts ; n’apercevant d’autre différence, entre une utilité et une autre, que son intensité et le degré de son importance.

L’utilité ainsi désignée peut s’appliquer aux actions des hommes, comme à toute autre chose.

Or, le principe de l’utilité consiste à mesurer l’estime que nous faisons des choses ou des actions sur le degré d’importance de cette utilité. La plus importante pour l’homme en société, ce qui lui est plus utile, est pour lui digne d’une plus haute estime, et mérite le mieux d’être le but de ses efforts.

Mais l’homme faisant partie d’une société, quand il cherche avant tout son utilité personnelle, sans égard à ce qui convient aux autres hommes, est coupable d’égoïsme ; ce qui constitue tout à la fois un vice et un mauvais calcul. Je crois cette proposition susceptible de démonstration D’ailleurs, ee n’est pas suivre le principe de la plus grande utilité, que de donner la préférence à celle qui n’est favorable qu’a une seule personne, plutôt qu’à celle qui est favorable à plusieurs.

L’homme social, quand il cherche uniquement l’utilité de la société dont il fait partie, de sa nation, au risque de ce qui pourra en advenir au reste du monde, est coupable d’un autre vice et d’un autre mauvais calcul, que j’appellerai égoïsme national, ou patriotisme exclusif. Je crois cette seconde assertion non moins susceptible d’être démontrée, quoique beaucoup plus contestée que la première.

Mais l’homme social, qui mesure l’estime qu’il fait des choses, sur le plus ou moins d’utilité qu’elles ont pour l’homme, c’est-à-dire qui mesure son estime sur le plus grand bien du plus grand nombre, est éminemment vertueux ; et j’ajouterai que pourvu qu’il n’emploie, pour parvenir à ce but, que des moyens compatibles avec la nature des hommes qui l’entourent et de la société dont il fait partie, ses principes non-seulement dénotent un sentiment louable, mais, au total, conduisent au bien le plus réel et le plus durable, soit pour l’humanité, soit pour sa nation, soit pour lui-même.

Je considère donc comme utile tout ce qui sert au bien-être de l’homme.

Les choses qui lui sont utiles le sont à différents degrés, depuis celles qui sont indispensables à son existence, jusqu’à celles dont toute l’utilité consiste à satisfaire ses goûts les plus fugitifs. On peut disputer à l’infini sur le plus ou le moins d’utilité de chaque chose, parce que les besoins et les goûts varient comme les figures. Dans cet cent, je ne donne la qualification d’utile qu’à ce qui est reconnu pour tel par toute personne jouissant du simple bon sens ; et même, pour éloigner toute chicane, je permets à tout lecteur de nier l’utilité qu’il m’arrive d’attribuer aux choses. Alors, les raisonnements que