tions et dans l’enchaînement des raisonnements, des subtilités qui dérouteraient notre public. La théorie de la valeur, pour ne prendre que celle-là, cette théorie, centre de l’économie politique, a été l’objet de travaux considérables, mais qui aboutissent jusqu’ici à des conclusions si peu éloignées des nôtres que des savants seuls peuvent saisir et apprécier l’intérêt de si minutieuses études.
Il y a plus. Aucune de ces théories n’a un caractère, ne disons pas définitif — dans n’importe quel ordre de science, qu’est-ce qui est définitif ? — mais un caractère arrêté. Récemment un de nos maîtres défendait Bastiat. Et, pour le défendre : « ses théories, disait-il, ont pu se maintenir quinze ans ». Les auteurs des théories nouvelles ne sont pas si ambitieux. Ils ne se sentent pas en sécurité ; ils multiplient les réserves ; ils se corrigent sans cesse ; dans les revues qui les accueillent, l’article d’aujourd’hui revient sur ce qu’énonçait l’article d’hier. Tout cela fait l’éloge de leur conscience scientifique ; mais tout cela constitue autant d’obstacles à l’exposition des questions qu’ils traitent devant le grand public, ami des solutions nettes et peu curieux d’étudier la science, non pas en voie de transformation, mais en mouvement.
À ces deux raisons, qui ont bien leur importance, il en faut ajouter une troisième qui est autrement décisive il y a, dans tous ces travaux, sauf une exception indiquée plus loin un vice capital, qui est un vice de méthode.
À Dieu ne plaise que nous nions le mérite des hommes dont s’enorguillissent justement les écoles étrangères. Dans ces écoles, il s’est fait, surtout depuis une vingtaine d’années, une dépense énorme de travail et de talent on peut se demander si ce talent et ce travail ont toujours été bien dépensés.
Toutes ces écoles, si l’on considère non pas les nationalités, mais les doctrines, peuvent se ramener à deux l’école anglo-française et l’école allemande. L’école anglo-française a construit de toutes pièces l’économie politique qui, pendant un siècle, sans cesse remaniée et perfectionnée, a prévalu dans le monde. L’école allemande, au contraire, venue plus tard, s’efforce de la démolir. Or, quand on cherche pour quelles raisons et par quels procédés, on peut douter, en admettant qu’elle réussisse à détruire, qu’elle soit apte à réédifier.
Aucune théorie n’est éternelle. Les théories ne sont- que les chemins par lesquels nous nous efforçons d’atteindre à la vérité ; la vérité, du moins la vérité des hommes, n’est pas immuable, et les voies qui y conduisent se déplacent avec elle. Les théories économiques de l’école anglo-française ne pouvaient donc pas prétendre demeurer intactes. Elles devaient subir une revision. Cette revision fut faite sur nombre de points. Stuart Mill, — j’entends Stuart Mill l’économiste, le Stuart Mill d’avant l’exagération d’une influence délicieuse et pernicieuse tout ensemble Stuart Mill, qui sut si bien mettre à profit les travaux de ses contemporains et, avec lui et après lui, quelques-uns de nos maîtres français, ont accompli là une œuvre de critique qui, devant l’histoire impartiale, leur fera honneur. Jamais peut-être, dans notre science, tant d’idées