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Babbage se rattache à l’économie politique par son ingénieux ouvrage, écrit après de sérieux voyages surtout le continent et publié sous le titre Economy of manufactures (Londres, 1832), traduit en français et que Blanqui appelait un « hymne en l’honneur des machines ». Il a encore écrit A comparative view of the various institutions of the assurance of life, in-8, 1826. The Decline of science, in-8, 1829. The Exposition of 1851, in-8, 1851. E. R.

BABEUF (François-Noël), célèbre communiste né à Saint-Quentin en 1764, mort à Vendôme le 27 mai 1797 ; d’abord employé chez un inspecteur de la petite ville de Roye (Somme), puis, au bout de quelques années, commissaire à terrier, il avait environ vingt-cinq ans quand la Révolution éclata. Il publia alors, à Amiens, le Correspundant picard, journal dont la violence lui attira des poursuites et le fit arrêter ; mais le 14 juillet 1790 il fut mis en liberté. Nommé administrateur du département de la Somme, puis du district de Montdidier, il se vit destituer. Il vint alors à Paris, où il obtint la place de secretaire général de l’administration des subsistances du département de la Seine. Dans ces nouvelles fonctions, il crut apercevoir un système de famine organisé par le fameux Manuel, procureur général de la commune, qu’il dénonça à la France entière dans un placard affiché avec profusion, placard intitulé Manifeste des gueux, attribué, à Sylvain Maréchal, et dans lequel on lit, entre autres aménités: « Il nous faut non pas seulement cette égalité transcrite dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. ; nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons. Périssent, s’il le faut, tous les arts, pourvu qu’il nous reste une égalité réelle ! » Malheureusement pour Babeuf, on se souvint qu’il n’avait point encore purgé une condamnation par contumace qui pesait sur lui pour avoir substitué un nom à un autre dans une adjudication de biens nationaux à laquelle il présidait. On a dit, à la décharge de Babeuf, qu’il s’agissait seulement d’une terre de trois arpents et que l’accusation ne pouvait être que l’oeuvre de ses ennemis. Quoi qu’il en soit, Babeuf fut arrêté de nouveau et renvoyé par le tribunal de cassation devant le tribunal du département de l’Aisne, qui le remit en liberté. Jusqu’en 1795, Babeuf n’avait encore joué qu’un rôle assez obscur. Tout à coup il se donna comme l’apôtre de l’égalité absolue et le réalisateur prochain d’une république fondée sur la communauté des biens, nivelée sur cette égalité telle qu’il la concevait.

Résolu à mener de front la théorie et l’application, il publia d’abord le journal le Tribun du peuple, qu’il signait « Caïus Gracchus » ensuite, de concert avec Darthé et Buonarotti et au moyen d’une propagande secrète des plus actives, il organisa une conspiration qui devint bientôt menaçante pour le Directoire, mais que celui-ci sutdéjouerà temps et qui fut seulement fatale aux principaux conjurés. Le procès leur fut fait devant une haute cour qui fut convoquée à Vendôme et, après trois mois de solennels débats, durant lesquels Babeuf se défendit avec chaleur et conviction, sans toutefois qu’il lui fût permis d’aborder le terrain des principes, un verdict de culpabilité fut rendu, le 26 mai 1797, contre plusieurs des accusés. Babeuf et Darthé, condamnés à mort, se poignardèrent sous les yeux de leurs juges, et, le lendemain, ils furent portés expirants sur l’échafaud. Sept de leurs coaccusés furent déportés, les autres acquittés.

On pourra se faire une idée de la doctrine et de l’organisation sociale rêvée par cet homme devenu célèbre, par les deux passages suivants, dont l’un est emprunté à un manifeste qui fut répandu dans Paris, en avril 1796, sous le titre Analyse de la doctrine de Babeuf, et dont l’autre est tiré d’un Résumédes utopies de Babeuf, par Buonarotti, publié dans l’Encyclopédie nouvelle

« La nature a donné à chaque homme un droit égal à la jouissance de tous les biens.Le but de la société est de défendre cette égalité, souvent attaquée par le fort et le méchant dans l’état de nature, et d’augmenter, par le concours de tous, les jouissances communes. La nature a imposé à chacun l’obligation de travailler. Nul n’a pu, sans crime, se soustraire au travail. Les travaux et les jouissances doivent être communs. Il y a oppression quand l’un s’épuise par le travail et manque de tout, tandis que l’autre nage dans l’abondance sans rien faire. -Nuln’apu, sans crime, s’approprier exclusivement les biens de la terre ou de l’industrie. Dans une véritable société, il ne doit y avoir ni riches ni pauvres. Les riches qui ne veulent pas renoncer au superflu en faveur des indigents sont les ennemis du peuple, etc. »

Voilà pour les principes généraux mélange d’opinions où dominent les illusions et les erreurs, comme dans toute théorie qui n’a d’autre base que le sentiment et qui ne se préoccupe ni de la .nature des choses, ni de la vraie nature des hommes. Quant à l’organisme pratique, Babeuf résout le problème en quelques aphorismes

« Le peuple français devait être déclaré


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