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72 ASSISTANCE

Il n’y a pas lieu de s’attarder à combattre, après tant d’autres, cette doctrine désolante ; il faut oublier que l’hommeappartient à une espèce pour l’amélioration de laquelle une sélection est nécessaire, et le regarder, au contraire, comme le membre d’une même famille, envers lequel nous sommes tenus de certains devoirs moraux. Répudiez, avec Herbert Spencer, la charité et la philanthropie, et vous ne serez pas certains d’obtenir l’amélioration de la race humaine. Pratiquez, au contraire, l’assistance, pratiquez-la intelligemment, donnez le secours moral à côté du secours matériel et vous arriverez plus sûrement à relever et à régénérer les faibles. 2. Charité privée et charité officielle.

L’assistance peut être privée ou publique ; nous ajouterons qu’elle doit être à la fois l’une et l’autre. L’assistance privée répond à un besoin de la conscience, besoin impérieux et salutaire ; elle a, en outre, des qualités que ne possède pas l’assistance publique, froide et formaliste dans ses procédés, réussissant parfois à soulager les malheureux, mais impuissante souvent àles relever, agissant sur le physique, mais sans action sur le moral de l’assisté. Celle-ci, à son tour, est une nécessité elle recueille et stimule les secours des indifférents, se substitue à ceux que leurs occupations empêchent de pratiquer la charité et se fait la dispensatrice de leurs aumônes. Elle peut presque seule contribuer au soulagement de certaines misères qui, à raison de leur nature spéciale, exigent le service d’une organisation administratîve et la concentration de grandes ressources il en est ainsi de la maladie,de lavieillesse,etc. sans doute, il existe certains établissements hospitaliers privés, mais ils n’ont en France qu’une importance relativement très faible. Enfin, l’assistance publique s’impose souvent à la société, comme mesure de police et de salut public.

Le concours de la charité privée et celui de l’assistance officielle est indispensable ; les branches principales de la bienfaisance publique constituent le rouage nécessaire de toute société avancée en civilisation: mais les œuvres si variées et si ingénieuses de l’assistance privée viennent comblerles vides de la première ; moins apte pour les services étendus, celle-ci sait, en se spécialisant, perfectionner l’action de la charité ; elle peut même à un moment donné, et lorsqu’il s’agit de soulager de grandes calamités accidentelles, offrir un ressort incomparable et réunir en quelques jours des sommes importantes.

Mais il est à remarquer que l’assistance

pas lieu de s’attarder à combattre, privée semontre très active et plus empressée

privée semontre très active et plus empressée là précisément où l’assistance publique a les manifestations les plus multiples. Dans les villes où les services de l’assistance officielle sont si divers et si complets, où ses ressources sont si abondantes, on voit les exemples les plus nombreux d’assistance privée, et l’on en obtient les contributions les plus larges, les souscriptions les plus abondantes. A Paris spécialement, où le budget de l’assistance publique est très largement doté, on évalue à une somme supérieure à 20 millions celui de la charité privée. Dans les campagnes, au contraire, dépourvues presque toujours d’établissements hospitaliers, assez souvent de bureaux de bienfaisance et de services médicaux, la charité privée ellemême est peu ingénieuse et peu féconde. Les habitants, moins riches, donnent moins ; parfois égoïstes, ils sont peu charitables, l’assistance, selon eux, engendrant la misère, retenant ou appelant les pauvres dans leur commune ne comptez pas qu’ils organisent un service d’assistance ; ce serait peu connaître leur tempérament rebelle à toute idée d’initiative.

Nous n’hésitons pas à admettre le principe de l’assistance officielle ; mais nous pensons que celle-ci est subsidiaire, c’est-à-dire qu’elle doit s’exercer à défaut de l’assistance privée. L’intervention officielle doit avoir particulièrement pour objet de stimuler la charité privée, d’en faciliter les actes, et les fondatfons, d’en consacrer les résultats. Deux exemples serviront à éclairer notre pensée la loi charitable, en France, a fait du bureau de bienfaisance l’organe principal de l’assistance or, le bureau’de bienfaisance n’est à proprement parler que le réceptacle des libéralités particulières ; soit qu’il recueille le produit des quêtes ou des offrandes, soit qu’il bénéficie de legs ou de donations (et ce sont ses principales ressources), dans tous ces cas, il n’est que le distributeur officiel des aumônes de la charité privée. Nos établissements hospitaliers, dirons-nous en secondlieu, à l’exception d’une cinquantaine, sont tous dus à des libéralités particulières. Bref, pour nous résumer, l’assistance officielle est nécessaire, mais ses organes et ses institutions doivent faire appel à la charité privée avant de s’imposer aux finances publiques. Faut-il exclure tout prélèvement sur le produit de l’impôt en faveur des œuvres d’assistance  ? Non, à coup sûr ; mais la loi ne doit pas reconnaître à l’indigent un droit formel au secours. L’administration doit se borner à être charitable comme l’individu, librement, par compassion pour ainsi dire. C’est cette idée qu’a exactement tra-


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