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ville « Lorsque je conçus, dit-il dans la préface de son étude, le projet de traiter la question de la charité mise au concours par l’Académie, mon intention était de prouver que. les indigents ont un droit parfait aux aumônes, principe dont le système de la charité légale, que je combats aujourd’hui, est la conséquence naturelle. Mais bientôt je vis la théorie, que je voulais établir, détruite par des arguments d’une autorité irrécusable. Je dus alors changer d’opinion et me disposer à attaquer les idées mêmes que j’avais le dessein de défendre ».

3. Pratique de l’assistance ; règles à suivre dans l’application.

La charité privée est l’expression de la compassion, l’élan du cœur est-il possible de l’assujettir à des règles  ? Sans nul doute, il est difficile de réglementer un sentiment, surtout lorsqu’il s’agit de celui de commisération. Mais la sensibilité ne doit pas être la seule boussole de nos actes, et le jugement doit, sinon la corriger, du moins en guider les effets.

Quoi de plus tentant que de donner au mendiant et de distribuer des aumônes ! Or, les économistes et les moralistes déconseillent tous, et avec raison, l’aumône pécuniaire faite aux mendiants sur la voie publique ils soutiennent que c’est là une assistance qui n’offre aucune garantie de contrôle, soit quant à la réalité de l’indigence ou quant à ses causes, soit quant à l’usage que fera l’assisté de l’aumône reçue. Il est facile de donner ; il est difficile de savoir donner. Distribuer des aumônes constitue un plaisir assister méthodiquement et efficacement devient une science. L’assistance doit, en effet, remplir les deux conditions suivantes elle doit être éclairée et efficace. Elle ne doit être faite qu’aux indigents dont la misère est réelle ; elle doit, en principe, être refusée aux mendiants inconnus ; faut-il ajouter, à ceux dont l’état misérable tient à des raisons volontaitaires, l’inconduite, la paresse, etc.  ? Sans affirmer que le secours doive leur être impitoyablement refusé, nous pensons qu’il y a intérêt à ne pas encourager leurs vices ; avouons qu’il est, du reste, peu aisé de départir et de déterminer les devoirs respectifs de l’humanité et de la raison ; on pourra parfois les concilier en allouant des secours en nature, en fournissant du travail. Les sociétés charitables sont, sous ce point de vue, d’une grande utilité et peuvent, mieux que les particuliers, réunir ces conditions diverses qui s’imposent à l’assistance, soit en facilitant la délivrance des aumônes

en nature, soit en procédant à. une enquête sur la situation et sur la manière de vivre des indigents, soit enfin en créant, au moyen des ressources qu’elles peuvent recueillir et concentrer, des institutions rationnelles et durables d’assistance.

La charité doit, en second lieu, être effi-

cace il ne suffit pas de donner, il faut secourir, c’est-à-dire chercher à relever l’indigent, à faire disparaître, s’il est possible, la cause de l’indigence ou au moins à alléger sa souffrance.

Il faut approprier le secours au mal, il

faut surtout compléter l’assistance matérielle par l’assistance morale. On n’est pas quitte envers la conscience, lorsque, devant une infortune réelle, on se borne à accorder une aumône, quelque large qu’elle soit ; il faut l’aider de ses conseils, l’encourager de ses exhortations, lui tendre une main amie. L’assistance n’est pas un impôt que l’on paye, mais un devoir social et fraternel que l’on doit remplir. Envisagée seulement comme une dette, l’assistance laisse subsister entre les classes de la société une division profonde, et ne supprime pas, chez les secourus, la convoitise et la haine ; envisagée, au contraire, comme une tâche humanitaire, elle suscite, chez le pauvre, l’espoir et la consolation, la confiance dans le lendemain ; elle relève son courage et sa volonté. Un des grands avantages ou plutôt une des supériorités de l’assistance privée est d’être moins formaliste que l’assistance officielle, moins embarrassée par les entraves administratives. Mais pourquoi faut-il que les pouvoirs publics viennent ici même apporter des impedimenta aux manifestations de la charité  ? L’intrusion de l’autorité, pour n’être pas légale, nous voulons dire pour n’être pas consacréepar la loi, est admise par la pratique administrative.

C’est spécialement à propos des quêtes

particulières et des dispositions testamentaires qu’elle se fait sentir ; organise-t-on une quête, l’administration intervient pour en diriger le produit vers une institution officielle d’assistance ; laisse-t-on un legs aux pauvres d’une localité, en désignant la personne chargée de la distribution, le legs n’est autorisé qu’à la condition que la délivrance en soit faite à un représentant del’autorité, le maire, par exemple, qui sera chargé de la répartition. Ces règles arbitraires ne sont pas motivées par la défianceque peuvent inspirer les mandataires, mais. uniquement par ce désir d’exercer une mainmise générale sur les actes de la vie civile, qui a caractérisé et qui caractérise encore nos procédés gouvernementaux ; préoccupa-


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