Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/150

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suivant, pensait de même que celui qui dominait la mer était maître de la terre. On peut conclure de ces exemples comme de tous les autres que si la politique « du patriotisme intelligent » est bonne pour un peuple, elle doit être bonne pour beaucoup d’autres, et que si elle est pratiquée par beaucoup d’autres elle aboutit à la guerre universelle. Le Libel donne une description très complète du commerce de cette période, mais il n’a d’ailleurs pas d’utilité pour les économistes. Le poème de la Politique commerciale de V Angleterre, fau temps d’Edouard IV), propose des mesures coercitives contre les étrangers dans la manière de pratiquer le commerce des laines. Les Trois Pétitions (1519) sont une tentative d’analyse économique et de généralisation à propos des problèmes industriels du temps. Ce genre d’écrits est devenu au xvi e siècle très abondant. Il y en a beaucoup qui par leur forme appartiennent aux belles-lettres, et qui sont des poèmes, des satires et des ballades. Mais tous ces ouvrages, tout comme les écrits de Starkey, Brincklow, Harrison, Stubbes, Stafford et Chamberlain, sont en réalité des tentatives d’économie politique. Les uns se plaignent d’une chose, les autres d’une autre et ils ne s’entendent en quoi que ce soit sur ce que c’est que le mal, ni sur ce que pourrait être le remède. Ils dénoncent tous bruyamment les changements amenés par l’usure, le luxe, les modes étrangères, les vices et les fourberies des marchands, et l’altération des monnaies.

Tous recherchent et obtiennent plus ou moins l’intervention de FÉtat, La législation ne se résout pas en principe politique. Elle n’a d’autre guide qu’une incapacité sans remède. La seule généralisation qu’elle comporte, c’est, à ce qu’il semble, la volonté de l’État de ne permettre que personne soit troublé dans l’usage et la jouissance de l’action industrielle pour laquelle il a été élevé et à laquelle il est habitué, par aucun perfectionnement, ni changement de modes, ni ouverture de nouvelles voies commerciales, ni par les immigrations d’étrangers, ni par toutes sortes de faits du même genre. La reine Elisabeth refuse une patente à l’inventeur d’une machine à tricoter les bas, parce que cela retirerait de l’ouvrage aux pauvres ; elle l’aurait accordée, si la machine avait ’servi à tricoter des bas de soie (Felkin). Cette disposition du gouvernement ne signifiait donc en réalité qu’une chose, c’est que tout perfectionnement dont on était menacé devait être anéanti.

Bans le milieu du xvi e siècle, nous trouvons sir Thomas Grcsham imposant des prêts forcés aux marchands pour les besoins de la couronne, faisant la contrebande à l’exportation des espèces de la Hollande, et corrompant les agents de la douane. Il avertit aussi le roi de veiller sur les changes qui peuvent ou ruiner ou enrichir les royaumes (Burgon). A la fin du siècle, lord Bacon affirme distinctement la doctrine protectionniste. « Quand les produits étrangers ne servent qu’au luxe, il faut prohiber les produits étrangers ; car de deux choses l’une, ou cela fera disparaître les objets de luxe, ou on y gagnera de les fabriquer. » Cependant, la reine Elisabeth écrit dans ses instructions aux commissaires envoyés en Danemark, qu’ils doivent maintenir cette doctrine « que les droits de douane sont établis pour entretenir les bouées et les phares, pour réparer les ports, etc., et que si la recette dépasse ce qui est nécessaire pour faire cette dépense, il ne reste plus qu’une exaction sauvage en place de droits de douanes raisonnables et justes ». (Rymer.)

Colmeiro nous apprend qu’en Espagne, les actes de l’autorité sont à la même époque les mêmes que ceux dont nous venons de parler pour l’Angleterre.

Les délégués aux Cortès cherchaient leur voie dans l’obscurité, dans tout ce qui avait rapport au commerce, obéissant aux impression s que leur causaient les calamités de passage et aux clameurs des intéressés. Aussi la politique commerciale du xvi° siècle n’at-elle été qu’un tissu de contradictions. Il y eut aussi au xvi e siècle une crise dans l’histoire économique de l’Allemagne. Au commencement du siècle, les villes étaient extrêmement fortes et prospères. Ce qu’on appelait les compagnies de commerce, composées soit de familles, soit d’associés, sans privilège ni monopole, étaient énergiques, entreprenantes et riches (Falke). Ce développement et cette prospérité de la bourgeoisie excitèrent la jalousie de la noblesse féodale et des chevaliers. L’antagonisme de ces deux puissances des villes et des campagnes prit la forme d’une guerre civile entre elles et cette guerre se poursuivit par l’obstruction des routes du commerce, par l’organisation d’expéditions de pillage ; pendant ce tempslà, les grands princes ruinaient systématiquement les villes en leur imposant des tributs et en les privant de leurs armes. On soulevait aussi le sentiment populaire contre les compagnies qu’on disait composées d’accapareurs et d’usuriers et qu’on accusait de sucer le sang du peuple. Les Fugger fvoy. ce nom) deviennent, dans les écrits du temps, comme les ennemis publics par excellence, quoique ce fût sur la classe dont on les considérait