Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/178

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ces deux groupes se trouve la prospérité économique. Le commerce vient les compléter. On ne peut arriver à cet état florissant que si plusieurs générations successives ont uni leurs forces et se sont partagé le travail. Un seul accident violent (crise, guerre) peut rejeter un pays en arrière de plusieurs siècles, tandis qu’un développement continu, paisible, augmente la qualité et la quantité de la production. C’est le principe bienfaisant de la continuité des opérations, de la tradition. Gela est surtout vrai de l’industrie ; l’agriculture peut subir plus aisément le choc des interruptions violentes, tandis que pour les manufactures c’est souvent une cause irrémédiable de ruine.

La richesse des nations ne réside pas dans les valeurs matérielles, mais dans les forces productives qu’elles renferment en elles. Plus ces forces sont développées, plus la nation est bien placée. List condamne la théorie de la valeur et du capital telle qu’elle résulte des enseignements de Smith.

Une nation dans son état normal doit avoir développé également les forces productrices dans l’agriculture, la manufacture et le commerce.

Mais c’est l’industrie qui exerce le plus d’influence sur le développement de la nation ; elle stimule et accroît toutes les autres forces économiques ; d’elle dépend l’état de l’agriculture et du commerce, de toutes les forces (nature, travail, capital) qui sont employées dans l’agriculture et le commerce ; c’est elle qui entretient et favorise les sciences et les arts, qui rend une nation libre à l’intérieur, indépendante vis-à-vis de l’étranger. Un État qui est exclusivement agricole peut arriver à un niveau élevé de civilisation, mais il sera toujours dans la dépendance de l’étranger, parce qu’il ne pourra jamais déterminer la limite de sa production, parce que les besoins de l’étranger seront toujours un élément prédominant. Tous les pays ne sont pas aptes à devenir maufacturiers, seulement ceux de la zone tempérée. Les pays des zones chaudes ont un monopole naturel pour certains produits du sol, les produits coloniaux, qu’ils échangent contre les produits fabriqués des pays de la zone tempérée ; la dépendance des premiers est modérée par la concurrence entre les seconds.

Ce degré élevé de prospérité industrielle ne sera atteint que graduellement et lentement. Il y a quatre degrés : 1° de l’état sauvage on arrive à la période pastorale ; 2° puis à la période purement agricole ; 3° à la période agricole et industrielle ; 4° à la période agricole, industrielle et commerciale. La transition de l’état sauvage à la période pastorale se fait le mieux par la liberté du commerce avec des pays plus avancés ; mais le passage de l’état agricole aux deux périodes finales est subordonné à certaines conditions, qu’il est du devoir de l’État d’accomplir. L’État doit chercher à agir sur le développement économique et l’éducation du peuple.

Le progrès serait général, si les nations plus avancées n’avaient eu recours entre elles à des moyens d’agression ou de défense (guerre, douanes). Les nations se développent inégalement, quelques-unes ont été favorisées par des avantages spéciaux et ont pu arriver plus tôt que d’autres à développer leur industrie, leur commerce, leur navigation et elles sont tentées d’abuser de leur situation vis-à-vis de celles-ci. Aussitôt qu’un pays a une instruction politique et intellectuelle suffisante pour fabriquer, il faut y introduire un système douanier protecteur, qui permette à l’industrie d’y atteindre son plein développement. Lorsque ce maximum sera atteint, on pourra revenir à la liberté commerciale. Les droits douaniers renchérissent pendant un certain temps les marchandises , mais plus tard la concurrence intérieure ramène le bon marché.

Aussitôt que l’industrie indigène est tout a fait développée, elle peut abaisser ses prix vis-à-vis de l’étranger .

La nation doit être éduquée industriellement par la protection douanière ; il faut manier la protection avec précaution ; il ne faut pas débuter par isoler la nation, mais arriver graduellement à augmenter la protection au fur et à mesure que les capitaux, les connaissances industrielles, l’habileté technique et l’esprit d’entreprise progressent. L’agriculture n’en souffrira pas, par suite de la distribution plus grande de bien-être, de l’accroissement de population, le prix des produits agricoles haussera ainsi que les terres ; à la longue d’ailleurs la concurrence des fabricants indigènes fera baisser le prix des produits manufacturés dont les agriculteurs ont besoin.

Le commerce intérieur et extérieur grandit avec les progrès de l’industrie, lorsque le pays se suffit à lui-même et lorsqu’il peut échanger le surplus de ses articles manufacturés contre des matières premières et des aliments.

Lorsqu’une nation est suffisamment outillée pour ne plus redouter la concurrence étrangère, alors elle peut revenir au libreéchange.

Des États qui ne sont pas encore arrivés