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d’une banque à Rome aura évoqué en lui le souvenir des fameuses Compagnies d’Occident et du Mississipi. L’homme d’État, qui connaissait à fond l’histoire parlementaire anglaise, aura aussi pu comparer les moyens qu’employait le ministère Walpole, pour s’assurer une majorité, à ceux du ministère italien ; enfin l’excollègue du comte de Gavour, l’économiste libéral, qui avait écrit l’éloge de Cobden et de sa Ligue, a dû faire de singulières réflexions sur les enquêtes parlementaires qui préparaient le tarif protectionniste de 1887. Minghetti n’a pas assez vécu pour voir les ruines dont ce régime néfaste a couvert le pays. S’il avait eu le temps d’en connaître tous les effets, il se serait aperçu que les lois de l’économie politique n’étaient pas aussi contingentes qu’il voulait bien le croire, et que les maux du peuple italien, qui ne sont que trop réels, provenaient bien moins de la préoccupation, qu’il jugeait excessive chez les économistes, de la production de la richesse, que des soins que prenait le gouvernement pour la détruire.

Heureusement Minghetti a de plus belles pages dans sa vie. Gomme l’a fort bien fait remarquer M. Luzzatti, qui continue l’œuvre du maitre, ce fut de son ministère (1863) que date la restauration des finances de l’Italie. Minghetti, par d’habiles et d’heureuses mesures, parvint à réduire considérablement le déficit qu’il avait trouvé. Même quand il fut ministre de l’agriculture et du commerce, il porta dans cette partie secondaire de l’administration une ampleur et une sûreté de vues qui ont fait époque, et dont l’État ressent encore aujourd’hui les effets bienfaisants- Ses livres sur les partis politiques et leur intervention dans la justice et dans l’administration, et sur la liberté religieuse rappellent les écrits de Stuart Mill ; et si l’auteur italien est souvent moins original et moins profond que l’auteur anglais, il sait pourtant s’élever à une hauteur de considérations qui est rare parmi les écrivains politiques.

Citons de lui, en outre du traité sur l’économie politique déjà mentionné, les écrits suivants : Sur la tendance de ce siècle vers les intérêts matériels, 1841. — Nouvelles observations sur la tendance de ce siècle , etc., 1841. — Sur la propriété rurale et sur les contrats entre le propriétaire et le cultivateur , 1843. — Sur les réformes de Robert Peel, 1846. — Quelques nouveautés agricoles en Angleterre, 1834. — Eloge de Gaétan Recchi. Plusieurs de ces écrits ont été réunis avec d’autres dans le volume : Opuscoli letterari ed economicî. Florence, Le Monnier, 1872. — Essai sur des mesures financières , 1866. — Quelques velléités régionalistes, 1866. — Sur la restauration du gouver* nement pontifical, 1849. — La législation sociale, conférence, Milan, 1882. — Douze lettres sur la liberté religieuse, 1855. — Le même sujet est repris et traité à fond dans le livre : Stato e Chiesa, 1878. — Les partis politiques et leur intervention dans la justice et dans Vadministra-Uon, 1881. —Enfin ses Discours parlementaires et ses Memorie (autobiographie), que devront consulter toutes les personnes qui désireront connaître l’histoire de la constitution du royaume d’Italie. Minghetti s’est aussi occupé d’art ; il a publié un livre sur Raphaël (Bologne, 1885). Ses discours et ses écrits sont empreints d’une grande élégance littéraire ; c’était peut-être le meilleur orateur du Parlement italien.

VlLFREDO PàRETO.

MIRABEAU (Victor de Riquettï, marquis de), souvent dénommé, du titre de son célèbre ouvrage, VAmi des hommes ; père du grand orateur de la Révolution ; naquit à Perthuis, en Provence, le 5 octobre 1713, et mourut à Argenteuil le 13 juillet 1789.

Il débuta bravement dans la carrière des armes ; mais bientôt il quitta le service et, à vingt-huit ans, contracta avec une jeune et riche veuve un mariage où l’intérêt avait la plus grande part. Ce mariage lui devait être plus tard une source de scandales, mais d’abord lui permit de réaliser les projets de toute sorte qui bouillonnaient dans cette tête volcanique. Et il entra dès lors dans sa vraie vie. En quelques années, nous le voyons acheter, coup sur coup, deux hôtels à Paris, multiplier les expériences agronomiques sur ses domaines où il se ruine à plaisir, et lancer danslepublicdes écrits prolixes, incohérents, animés d’une verve aventureuse, tumultueuse et bizarre, mélange de vues fécondes et de vaines utopies, où l’auteur entier se reflète. « Le style est l’homme même. » Jamais écrivain n’a justifié d’une façon plus complète et plus saisissante cet axiome que le marquis de Mirabeau.

Sa première publication est de Tannée 1750. C’était une brochure sur l’utilité des États provinciaux. Mais ce n’était qu’une brochure, et qui passa sans grand succès. Il n’en fut pas de même du livre qu’il fit paraître en 1756, et dont la vogue fut extraordinaire, l’Ami des hommes, œuvre caractéristique, où le marquis de Mirabeau avait mis le meilleur de lui-même, la substance et la fleur de ses théories.

Il avait donné à ce livre, en outre de son titre général et sentimental, VAmi des hommes, un sous-titre spécial et scientifique, Traité de la population. Cette double qualification ex-