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ou de le défigurer avant de le rendre à la personne qui le leur a offert. La perte est donc légalement pour le dernier porteur. La Banque d’Angleterre et quelques administration publiques sont seules, depuis longtemps, à exécuter l’ordre de la loi i : aussi les monnaies d’or qui circulent sont-elles généralement très usées 3 .

Au point de vue purement intérieur, il semble tout à fait équitable que la perte résultant du frai n’incombe pas au dernier porteur. L’usure de la monnaie ne lui est ordinairement imputable que pour une fraction infinitésimale. Elle est le fait de tout le monde ; c’est à l’État, représentant de la collectivité, que la perte doit incomber, c’est à lui d’entretenir la monnaie par des refontes. On objecte, il est vrai, qu’il est difficile de distinguer la pièce naturellement frayée de la pièce frauduleusement altérée : si l’État déclare qu’il prendra la charge du frai à son compte, n’est-il pas à craindre qu’on ne rogne de bonnes pièces ou, pis encore, qu’on ne les diminue par les procédés chimiques, plus difficilement saisissables et qu’on les apporte ensuite à la refonte comme pièces frayées ? Le péril existe, en effet ; mais il appartient à l’administration de déjouer ces manœuvres et, pour être difficile, la tâche n’est pas impossible à remplir. Une autre objection plus grave provient de ce que l’usure des monnaies ne résulte pas seulement de leur circulation intérieure, mais aussi de l’usage qui en est fait à 1 étranger. A ce point de vue, on peut critiquer les règles adoptées par l’Union monétaire latine

  • . Les espèces émises par chacun des

États alliés n’ont pas circulé seulement sur son territoire ; elles ont été utilisées par les ressortissants des puissances co-contractantes. En équité, l’Union tout entière devrait supporter la charge du frai. Une modification dans les conventions actuellement en vigueur, si elle était possible, ferait tomber l’objection.

La question du frai a pris chez nous, dans ces dernières années, une acuité particulière. En 1884, des expériences faites par l’administration des Monnaies démontrèrent que, i. Les chanceliers de l’Échiquier ont cherché plusieurs combinaisons pour restaurer la monnaie d’or anglaise aux moindres frais possibles. En août 1889, sur la proposition de M. Goschen, la Chambre des communes a ordonné le retrait de toutes les monnaies d’or antérieures à l’arènenement de la reine Victoria [IbicL). . Voir, dans l’Économiste français des 11 et 18 février 1888, deux articles de M. E. Seligmann : De l’état de notre monnaie d’or et de la, nécessité de compléter notre législation monétaire.

. Voir, dans les Annales de l’École libre des sciences politiques du la juillet 1888, Paul Fauchille. Bu frai des monnaies t spécialement dans l’Unwn latine. sur 100 pièces de 20 francs, 6,97 étaient au-dessous de la tolérance de frai déterminée par la convention monétaire ; 43,40 entre la tolérance de frai et celle de fabrication ; 48,46 dans la tolérance de fabrication, 1,17 au-dessus de la tolérance de fabrication. En 1888 de nouvelles expériences ont permis de constater que sur 100 pièces de 20 francs 7,86 étaient au-dessous de la tolérance de frai ; 54,88 dans la tolérance de frai ; 36,42 dans la tolérance de fabrication ; 0,84 au-dessus do cette dernière tolérance. Les pièces lourdes et les pièces dans la tolérance de fabrication étaient donc devenues moins nombreuses : la diminution n’était pas moindre de 12,37 p. 100 : les pièces dans la tolérance de frai et les pièces légères avaient augmenté dans la même proportion. Le poids moyen de 155 pièces de 20 francs, qui doivent peser 1000 grammes au poids droit, était descendu en quatre ans de 997£ r ,l à 996§ r ,6, en perte de un demi-gramme.

Cet appauvrissement de notre circulation d’or résulte principalement delà suspension de fait de la frappe des pièces de 20 francs depuis 1879. Avant cette époque, les fabrications faites pour le compte du commerce amenaient la refonte d’une certaine quantité de pièces usées et, dans tous les cas, lançaient dans la circulation des espèces neuves : le poids moyen des pièces de 20 francs se trouvait ainsi maintenu à un niveau convenable. Le système adopté par la Banque de France, depuis un certain nombre d’années, consistant à vendre l’or avec une prime pour l’exportation au lieu de relever le taux de l’escompte, lorsque le cours des changes révèle la nécessité de cette mesure (V. Changes, §4, b). a eu également des répercussions fâcheuses sur le poids moyen de notre circulation. Pour éviter de payer la prime, on a trébuché l’or et exporté les pièces lourdes. L’affaiblissement de la monnaie d’or a un retentissement nécessaire sur le cours des changes. Le pair théorique du change est calculé sur le poids droit de la pièce de 20 francs : si les pièces de 20 francs pèsent, en moyenne, moins que le poids droit, le pair du change est relevé et aussi le point de sortie de l’or. Si l’on ne peut exporter que de l’or frayé, le cours du change s’élève sûrement au-dessus du gold point normal (V. Changes, 4, a). Le coût des payements à l’étranger se trouve ainsi augmenté pour le commerce français de pertes sur le change 1 .

Ces considérations ont déterminé le gou- [1]

  1. . Le même phénomène ne s’est pas produit en Angleterre malgré la dépréciation de la circulation, parce que l’or de la Banque, qui sert de gage à toutes les opérations du commerc é