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dès 4859. lien résultait une véritable anarchie monétaire. En outre, par suite d’une tarification inexacte, la roupie d’argent avait été attirée dans la colonie dont elle était devenue la monnaie principale ; l’argent était ainsi devenu la monnaie étalon et, à raison de la dépréciation de ce métal le change sur l’étranger était constamment défavorable : la perte s’élevait jusqu’à 18 p. 100. Bans les îles Saint-Pierre et Miqueion, la monnaie française est moins abondante que le numéraire étranger. On y trouve des pièces d’or et d’argent des États-Unis et des pièces d’or de l’Angleterre, de l’Espagne et du Mexique. Des arrêtés locaux ont autorisé la circulation de ces monnaies et en ont fixé le taux de conversion en francs 1 . . Étalon monétaire.

L’étalon monétaire est constitué par la monnaie qui sert, dans un pays et dans un temps donnés, de mesure générale des valeurs, en d’autres termes, par la monnaie sur laquelle se règlent les prix. La monnaie étalon peut être distincte de la monnaie légale et de la monnaie de compte. La monnaie légale, en effet, est celle que le créancier ne peut refuser en payement ; la monnaie de compte, celle que le débiteur s’engage généralement à payer ; la monnaie étalon, celle sur laquelle se règlent les prix, parce que c’est celle que le débiteur est effectivement en mesure de livrer. Ces trois caractères divers peuvent être réunis dans la même monnaie : ils peuvent être dispersés sur des monnaies différentes.

Prenons des exemples.

a. Distinction de la monnaie légale et de l’étalon monétaire. — En France il y a deux monnaies légales : les pièces d’or et les pièces d’argent de 5 francs. Ces deux monnaies ne jouent pas et n’ont jamais joué simultanément le rôle d’étalon. Les prix ne se règlent pas à la fois sur For et sur l’argent ; il n’y a pas, pour chaque objet, deux prix : Pun exprimé en or, l’autre exprimé en argent. Cette double série de prix devrait cependant exister, si l’or et l’argent constituaient deux monnaies étalons, car la puissance d’achat de ces deux métaux est fort différente. On en doit conclure que si l’or et l’argent sont tous les deux monnaies légales, un seul de ces métaux remplit la fonction d’étalon : quant à l’autre, ou bien il ne circule pas, ou bien, s’il reste dans la circulation, il représente le métal étalon d’après le rapport de 1 à 15 1/2 fixé par la loi de l’an XI. Les positions respectives de l’or et de l’aria Exposition coloniale de 1889. les Colonies françaises, t. II, p. 307, . ’ ' ’

gent à cet égard ont été, d’ailleurs, plusieurs fois interverties.

Au commencement de ce siècle, c’est à l’argent qu’est dévolu le rôle d’étalon ; quant à la monnaie d’or, sa valeur est ramenée à celle de la monnaie d’argent : elle la représente. Le système fonctionna régulièrement jusqu’en 1820. L’or circulait effectivement à côté de l’argent. D’après M. Feer-Herzog, pendant le premier empire, le capital monétaire de la France était de 2 milliards environ : 1200 millions en argent et 800 millions en or 1 . On peut s’étonner qu’il y eut, durant cette période, autant d’or dans la circulation française. De 1801 à 1810, en effet, Por valait en moyenne 15, 61 kilogrammes d’argent ; il aurait dû être drainé à l’étranger, en vertu de la loi de Gresham. Mais à cette époque, beaucoup de pays, notamment l’Angleterre, étaient au régime du cours forcé ; eux aussi, avaient une mauvaise monnaie, une monnaie détestable, le papier, qui chassait la bonne, c’est-à-dire l’or. La monnaie d’argent était moins mauvaise : Por resta auprès d’elle en France.

De 1811 à 1820, l’or et l’argent furent à peu près au pair. Mais après 1820 l’or valut de nouveau plus de 15 kilogrammes 1/2 d’argent. Les causes qui avaient arrêté précédemment son émigration n’existant plus, ce métal disparut aussitôt de la circulation française. On a pu dire que pendant trente ans l’or « fut une curiosité pour beaucoup de gens » ; « que les riches seuls s’en servaient pour leur jeu,leurs voyages etleurs caprices» 2 . L’argent fut alors l’étalon, non parce que la loi de l’an XI lui assignait la qualité de monnaie fondamentale, mais parce qu’il n’y avait pas d’autre monnaie en quantité suffisante pour faire les payements.

De 1850 à 1870, Por a valu moins de 15 kilogrammes 4/2 d’argent. Ce dernier métal a fait prime ; il a été exporté. C’est Por qui Pa remplacé dans la circulation française, et qui est devenu à son tour la monnaie étalon en vertu non de la loi, mais de la nécessité. L’argent ne représentait pas plus de 2,28 p. 100 de la circulation totale 3 . En 1873, l’argent, de nouveau déprécié, a . Déposition dans VEnquête sur la question monétaire (1869-1870), t. I, p. 349.

. M. Biaise [des Vosges]. Déposition dans VEnquête sur la question monétaire (1869-1 870), 1. 1, p. 559. Après 1850, « la province n’accepta pas sans peine la substitution de l’or à l’argent. Pendant quelque temps, l’or auquel on n’était pas habitué fut considéré comme suspect, et nous affirmons que bien des gens, et non des moins instruits, préféraient un sac de mille francs en argent à un rouleau de mille en or ». Mémoire de la chambre de commerce de Tours, Enquête sur les principes et les faits généraux qui régissent la circulation monétaire et fiduciaire 1 1. IV, p. 808. . M. Biaise [des Vosges], loc. cît.