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Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/326

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aujourd’hui. Les exemples qu’on en peut trouver sont relativement rares ; ils se rencontrent à peu près exclusivement parmi les monopoles de l’État, tels que le monopole de la fabrication des monnaies et celui du transport des lettres etdépêches. Nous rangerions, toutefois, parmi les monopoles auxquels il est souvent impossible de se soustraire ceux qu’exercent les différents officiers ministériels, avoués, notaires, commissaires-priseurs, huissiers.

° Au point de vue de leur but. — La réalisation du bénéfice le plus élevé possible est le but unique des monopoles appartenant aux individus et provenant de leur fait. Quant aux monopoles établis ou reconnus par l’État, ils ont généralement l’un des trois buts suivants : a) procurer des ressources à l’État ; b) assurer le fonctionnement d’un service d’intérêt général, ou mettre les particuliers à l’abri des inconvénients que pourrait présenter, parfois, la libre production d’un objet ou d’un service d’une certaine nature ; c) récompenser et encourager les inventions ou la fondation d’industries nouvelles. ° Au point de vue de leur légitimité. — Il y a des monopoles légitimes. Il y en a qui ne le sont pas. Tout le monde sera d’accord sur ce point. Tout le monde admettra, par exemple, que le monopole de la fabrication des monnaies est légitime (V. cependant Monnaie, § 3) et que celui des corporations de métiers (voy. ce mot) ne Test pas. Mais on est loin de s’entendre sur la légitimité d’une foule d’autres monopoles,

G’est ainsi que les uns défendent les monopoles des officiers ministériels, et même celui des agréés, tandis que d’autres, et nous sommes du nombre, réclament énergiquement leur suppression. C’est ainsi que le monopole de l’émission des billets de banque, bien que généralement admis par nos hommes d’État et nos financiers français, est encore très vivement attaqué par d’éminents économistes.

Laissant de côté les innombrables controverses particulières que nous rencontrons ici J , nous essayerons de dégager une formule générale capable d’aider à distinguer les monopoles légitimes de ceux qui ne le sontpas. Il y a cent ans environ que la liberté du travail (V. Liberté économique) est devenue le droit commun dans notre pays et dans la plupart des pays de civilisation avancée. La liberté du travail est la faculté pour chacun de se livrer, comme bon lui semble, à la profession de son choix, de vendre et d’acheter i. Nous renvoyons, pour, ces controverses, aux mots sous lesquels elles trouvent leur place naturelle. V. entre autres, le mot Banqtje, 1. 1, p. 165, et t. II, le mot Offices (Vénalité des). à sa guise, à la seule condition de respecter la même faculté chez les autres. Travail libre et libre concurrence sont expressions synonymes. Tout monopole constitue donc la plus grave dérogation qui puisse être apportée à ce droit commun. Faut-il en conclure que tout monopole est condamnable ? Non, à coup sûr. Un monopole sera légitime quand il se justifiera par une véritable nécessité (tel est le cas, selon nous, du monopole de la fabrication des monnaies), quand il assurera, mieux qu’aucune autre combinaison, la rentrée des impôts indispensables à l’État, ou, enfin, quand il procurera à la collectivité des avantages que la libre initiative des individus serait impuissante à fournir. Il suit de ià, qu’en principe, les monopoles en faveur d’un particulier ou d’une compagnie de particuliers doivent être repoussés et qu’ils ne peuvent être admis qu’à la condition d’être strictement limités et réglementés. En disant ceci, nous songeons spécialement aux monopoles concédés à des compagnies soit pour l’éclairage d’une ville, soit pour le transport des voyageurs, soit pour toute autre exploitation, ainsi qu’aux monopoles concédés aux inventeurs par notre législation sur les brevets d’invention (V, Propriété intellectuelle).

, Leurs effets.

Les effets des monopoles sont très nombreux, très divers et infiniment variables. C’est une erreur grave dont beaucoup d’économistes ne se gardent pas suffisamment que de prétendre les indiquer par une formule simple et absolue. Non seulement tel monopole ne produit pas les mêmes effets que tel autre, mais le même monopole produit souvent des effets très différents, suivant les conditions de temps, de lieux, dans lesquelles il est exercé.

Nous tenons à placer expressément sous le bénéfice de cette observation les développements sommaires qui vont suivre. Nous ne voulons, d’ailleurs, mentionner que les principaux effets des monopoles. Une énumération complète exigerait l’étude détaillée du fonctionnement de tous les monopoles sans exception, dans les circonstances multiples où chacun d’eux peut se présenter. Cette étude remplirait un volume.

Les monopoles si nombreux que l’ancien régime a connus ont toujours eu la plus détestable réputation 1 . Ils l’ont très proba- [1]

  1. Ce n’est pas seulement au xyiii" siècle que les abus criants dss monopoles ont été signalés et attaqués. De Montchrétien disait déjà (1615J en comparant le bon prince au mauvais : « Le mauvais n’estudi ;; qu’en des monopoles et malheureuses inventions pour incommoder son estât » . V. Traité de l’économie politique, édit. F. Brentano, p. 338, 339.