Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/359

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successives subsistent encore, car la législation, en Angleterre, a la même origine que la propriété, et elle a favorisé de tout son pouvoir le maintien de l’état de choses primitif. En principe, la propriété seigneuriale était indivisible, au même titre que la •** royauté, et pour assurer cette indivisibilité, le droit d’aînesse se combinait avec le droit de substitution qui autorise le chef de famille à régler tout à la fois sa propre succession et celle de ses héritiers. C’est ainsi que, même dans les plus nombreuses lignées, les fiefs échappaient au démembrement. Quant aux classes rurales, le seul débouché ouvert à leur ambition était cette zone inférieure de la hiérarchie féodale où les droits du tenancier arrivaient tout au plus à simuler ceux d’un propriétaire, sans jamais exclure la suzeraineté du vrai landlord, qui régnait même là où il ne gouvernait pas. D’ailleurs ce mouvement, qui avait commencé avec l’émancipation des serfs et qui tendait à augmenter au moins le nombre des exploitants, s’était trouvé assez brusquement interrompu vers le xvi e siècle. Le sol et le climat des Iles-Britanniques se prêtent moins au labour qu’à l’élevage. L’Angleterre avait d’abord méconnu cette vocation. Au xvi e siècle, la transformation commença et le pâturage devint la forme préférée de l’exploitation agricole. Les landlords, n’hésitèrent pas alors, à reprendre aux yeomen ces terres vagues, ces landes, ces commons, où . antérieurement ils avaient trouvé intérêt à appeler le plus de bras possible. Des millions d’humbles travailleurs se trouvèrent à la fois dépossédés de leur home et de leur gagne-pain et, au milieu du xviir 5 siècle, on put dire que le paysan, dans le sens français du mot, n’existait plus en Angleterre. L’industrie manufacturière recueillit une partie de ces épaves ; les poor laws mirent à la charge des paroisses le surplus du prolétariat agricole ; et la grande propriété put s’étaler librement sur la majeure partie du territoire britannique. Pour voir combien elle est envahissante, il suffît de feuilleter l’enquête qui a été entreprise en 1872, à la demande du comte de Derby, et dont les résultats ont été publiés en 1875. On peut la résumer ainsi : Propriétaires de moins d’au moins de 1 acre 1 aère Totaux. (40 ares 1/2). (40 ares 1/2). Angleterre et pays de Galles (moins Londres)........ 703.289 269.547 972.836 Ecosse 113.005 19.225 132.230 Irlande 36.143 32.612 68.755 Ensemble 852.437 321.384 1.173.821 Proportion 78,6 p. % 27,4 p. 0/ i 00 p. % — MORCELLEMENT Ces chiffres révèlent déjà une situation bien différente de la France, où le nombre des propriétaires est infiniment plus grand. Encore faut-il se délier des moyennes qui s’en dégagent parce que l’immensité de certaines seigneuries y a pour compensation un nombre considérable de parcelles infinitésimales étroitement juxtaposées dans les villes, bourgs et villages. Les 850 000 propriétés qui ont moins de 40 ares ne forment guère, à elles toutes, que 2 p. 100 1 du territoire. Par contre, 2000 familles en absorbent la moitié et, chose extraordinaire, près de la sixième partie du royaume se partage entre 91 individus seulement : Nombre Surface totale de Surface possédée possédée propriétaires. par chacun. par le groupe.

De 24.000 à 40.000 hect. .390.000 hect.

De 40.000 a 60.000 — .190.000 —

Plus de 60.000 — .185.000 —

Plus de 24.000 hect. .765.000 hect. Huit de ces propriétaires ont chacun plus de 80000 hectares et ce quadrille des géants de la propriété foncière est conduit par un véritable colosse, le duc de Sutherland, possesseur de 490 000 hectares (sans compter les 60 000 hectares de la duchesse) ! De tels chiffres trahissent une situation absolument anormale et justifient aisément les projets de réformes que le parti conservateur a fini par s’approprier après les avoir longtemps combattus. Une évolution a commencé, qui promet au peuple anglais la conquête prochaine du free trade in land. D’autre part nos voisins ont beaucoup fait, depuis une quinzaine d’années, pour multiplier les petites exploitations rurales (small holdings) et les jardins potagers ou autres mis par lots (allot<ment$) à la disposition des familles d’ouvriers. La Grande-Bretagne, Irlande non comprise, comptait 246 000 allotments seulement en 1873 (lots de moins de 40 ares et même, dans la plupart des cas, de moins de 10 ares) ; en 1886, on arrivait déjà à 358 000 et on arrive en 1890 à 455 000. Quant aux petits holdings (de 10 ares à 20 hectares), on en trouve 409 000 en 1890 ; mais il n’y en a que 68 000 dont le terrain appartienne à l’occupant, soit en totalité (56 000), soit en partie (12000). La petite propriété ne suit donc que de loin la petite culture dans ces récents progrés et, au point de vue social, les deux choses sont loin d’être équivalentes 3 . . Voir le Financial Reform Almanack de 1883, p. 17. Voir aussi celui de 1888, p. 121 à 136. . Avec les garden allotments contigus aux cottages, les morceaux de terrain concédés par les compagnies de chemins de fer à leurs employés, les cow-runs et les potato-