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Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/403

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OCTROIS

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des biens communaux. Le receveur de l’octroi devait rendre ses comptes au corps municipal et aux officiers royaux. La forme employée pour la reddition variait suivant les lieux, mais elle pouvait se ramener à deux types : le système de l’auditorat et le système sans audîtorat. Dans le premier cas, la commune était obligée dénommer chaque année des auditeurs qui ne fussent ni comptables, ni parents, ni alliés, ni débiteurs du comptable ou de la commune. Les comptables et tous ceux qui avaient reçu ou administré directement ou indirectement des deniers communaux devaient remettre aux auditeurs leurs comptes certifiés véritables et toutes les pièces justificatives. Le tout était examiné à l’hôtel de ville en présence des officiers municipaux et des auditeurs qui apostillaient les comptes. Dans le second cas, il n’y avait pas d’auditeurs. Le maire, les échevins et les autres administrateurs recevaient et vérifiaient les comptes en présence du procureur du roi, syndic de la commune. Dans les deux systèmes, les comptes devaient être rédigés en double. Une fois clos et arrêtés, ils étaient remis avec les pièces justificatives au greffe de la commune et décharge était donnée au comptable. Le double, signé par tout le corps municipal, était envoyé à la chambre des comptes et jugé à nouveau. L’intendant était d’ailleurs chargé de veiller à l’accomplissement de cette dernière formalité et il pouvait, en cas de retard, rendre une ordonnance particulière enjoignant à la commune de procéder sans dé] ai à la liquidation de ses comptes.

Telle était, au moment où la Révolution de 1789 allait éclater, l’organisation générale de l’administration des octrois. Maurice Harbulot.

DEUXIÈME PARTIE : OCTROIS SOUS LE RÉGIME MODERNE.

S, Historique.

Les états généraux n’avaient guère qu’une pensée : faire disparaître les abus ; mais ils ne songeaient pas à supprimer les taxes indirectes et en particulier les octrois. Ils eurent à s’en occuper cependant à deux points de vue différents. D’abord, en vertu de privilèges reconnus, beaucoup de per^ sonnes étaient exemptes de ces taxes : l’Assemblée commença par abolir ces exemptions et décréta, le 28 janvier 1790, que la perception devait porter sur la généralité des habitants .

L’année suivante, à l’Assemblée nationale, de La Rochefoucauld, dans un Rapport sur l’état des finances, critiqua le système des OCTROIS

droits d’entrée ; mais il dut reconnaître que leur suppression pure et simple pouvait amener de grandes difficultés. « Il faut donner un débouché à notre industrie et dégager le commerce de toute entrave ! » s’écria à ce propos le député Fermont. Ce fut le signal d’une longue discussion, à la suite de laquelle un énergique discours de Lechapelier fit voter la suppression de tous les impôts perçus à rentrée des villes, des bourgs et des villages. Cette mesure fut l’objet de la loi du 25 février 1791.

Quelque temps après, sous l’empire de l’égarement causé par les graves difficultés au milieu desquelles elle se débattait, l’Assemblée nationale fut sur le point de rétablir ce qu’elle avait aboli. Au nom d’une commission spéciale, Du Pont de Nemours avait été chargé de proposer un projet de loi qui avait pour objet la refonte systématique des droits d’entrée et d’octroi et autorisait rétablissement dans les villes de taxes levées au profit de l’État sur les marchandises et productions consommées plus généralement par les habitants aisés ou riches. Ces taxes devaient être limitées par des maximum de produits échelonnés depuis 20 sous par tête d’habitant jusqu’à 18 livres, suivant une gradation de huit classes dans lesquelles étaient distribuées, suivant leur population, les villes peuplées de plus de 2500 habitants ; mais, pour faire face à leurs dépenses municipales, à celles de leurs hôpitaux et à leurs dettes personnelles, ces villes pouvaient proposer à l’Assemblée nationale d’ajouter aux taxes d’octroi perçues au profit général de la nation des sous municipaux pour livre, à la charge que ceux-ci n’excéderaient jamais, ni en totalité, ni dans aucun article du tarif, la somme perçue au bénéfice de l’État, Mais le projet échoua grâce aux idées libérales de rapporteur. Dans un discours resté célèbre, Du Pont de ISernours (voy. ce nom) exposa combien était grande « l’injustice d’imposer, sur des marchandises de même nature, dont la qualité plus ou moins précieuse ne pouvait être distinguée, des taxes qui seraient légères sur la consommation du riche {laquelle est toujours dans les meilleures qualités), pesantes sur celle du pauvre qui ne pouvait atteindre aux qualités inférieures », et il exprima en terminant, avec une émotion communicative, son regret d’avoir été amené, par suite d’un décret impérieux de l’Assemblée, à prodiguer son temps et ses efforts pour soutenir une réforme contraire à ses principes. Ce sentiment fut partagé par ses collègues de tous les partis et l’entreprise fut abandonnée.