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OCTROIS

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OCTROIS

Cependant la suppression de Poctroi avait privé un certain nombre de villes de leurs principales ressources. Plusieurs cités demandèrent à nouveau qu’on rétablît l’institution. Le gouvernement se voyait forcé de les écouter, mais comme le principe des impôts indirects avait été vivement attaqué au commencement de la Révolution, il ne revint aux octrois qu’avec la plus grande timidité. Le 9 germinal an V, le Directoire commença par décréter qu’en cas d’insuffisance des centimes additionnels de la contribution personnelle pour les dépenses municipales, il pourrait être pourvu à un supplément de revenu par des contributions indirectes et locales dont l’établissement et la perception devraient être autorisés par le Corps législatif. Les communes ne profitèrent pas immédiatement du nouvel impôt qu’on mettait à leur disposition. Reculaient-elles devant l’impopularité de l’octroi ? C’est possible ; toujours est-il que, pendant dix-huit mois, aucune demande ne se produisit. À ce moment, la ville de Paris obtint une loi, celle du 7 vendémiaire an VII, lui permettant d’établir un octroi. Pour justifier aux yeux des masses le retour de l’institution, on désigna la taxe nouvelle du nom d’octroi municipal et de bienfaisance’, la détresse des hospices civils de la commune de Paris, l’interruption de la distribution des secours à domicile, circonstances indiquées dans les motifs de la loi, expliquaient cette dénomination nouvelle. Quelque temps après, le 11 frimaire an VII, une loi nouvelle généralisa ce système, en indiquant les règles relatives à l’établissement de taxes indirectes et locales qu’il fut permis d’instituer, à défaut de recettes ordinaires, dans les communes formant à elles seules un canton ou considérées comme telles. C’est ainsi que des octrois furent établis à Bordeaux le 23 nivôse an VII, à Nantes le 9 prairial an VIII, à Rouen le 22 du même mois, à Poitiers le 28, à Versailles le 14 messidor, le 21 du même mois à Châlons-sur-Marne, le 15 thermidor à Sedan, etc. Les contestations relatives à l’octroi devaient être jusque-là portées devant le tribunal de simple police. Une loi du 2 vendémiaire an VIII édicta que dorénavant elles seraient soumises au juge de paix de l’arrondissement, mais que les amendes continueraient à être prononcées par les tribunaux ; c’est conformément à ces modifications que furent faites les lois postérieures qui établirent des octrois, notamment celles du 2 vendémiaire an VIII pour Toulon, du 13 du même mois pour Rennes, du 17 pour Grenoble, RocheforL et Saintes et du 14 pour Tours et Brest. Le 27 frimaire an VIII, une autre loi. établit des octrois municipaux dans les communes de Courtrai, Reims, Metz, Lille, Calais, Fontenay-le-Peuple, Limoges et Épinal, et elle édicta qu’à l’avenir les objets qui ne seraient pas destinés à la consommation locale et n’y feraient que transiter ou y seraient entreposés, ne seraient pas taxés : cette modification différenciait sensiblement à partir de cette époque le système d’octroi moderne de celui qui était pratiqué en France avant la Révolution,

Nous venons de voir que sous le Directoire il fallait une loi pour l’établissement de chaque octroi ; sous le Consulat, la législation du 5 ventôse an VIII décréta que ceux-ci pouvaient être établis par des actes du gouvernement. Le 26 germinal an XI, un autre principe nouveau fut posé : une loi autorisa dans la capitale le remplacement facultatif de tout ou partie de la contribution mobilière par des droits additionnels à l’octroi : c’est ainsi que s’organisa le système qui est toujours suivi à Paris.

Ce fut le premier Empire qui introduisit la participation de l’État aux bénéfices de cet impôt local en décrétant le prélèvement du dixième du produit net au profit du Trésor public, en remplacement de l’obligation imposée antérieurement aux villes de fournir le pain de soupe aux troupes. Ce prélèvement subsista jusqu’en 1855.

Toutes les lois que nous venons de citer avaient bien pourvu au rétablissement des octrois, mais il était évident qu’elles étaient fort incomplètes. Pour remédier aux insuffisances de la législation et parer aux abus qui en résultaient, Napoléon I er rendit le décret du 17 mai 1809 qui ne renferme pas moin s de 170 articles et peut être considéré comme le premier document légal complet sur la matière. Ce décret disposait que la surveillance générale de la perception de tous les octrois de l’Empire serait exercée sous l’autorité du ministre des finances par l’administration des droits réunis ; il soumettait les règlements locaux à des dispositions communes, et reconnaissait trois modes d’administration des octrois : la régie simple, c’est-à-dire la perception sous l’administration immédiate des maires ; la régie intéressée, par laquelle on traite avec un régisseur à la condition d’un prix fixe et d’une portion déterminée dans les produits excédant le prix principal et la somme abonnée pour les frais ; et la ferme, qui n’est autre que l’adjudication pure et simple des produits moyennant un prix convenu, sans partage de bénéfices et sans allocation de frais. En outre, il limitait de la façon la plus précise les objets imposables en les ramenant aux cinq divi-