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PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES — 432 — PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES trat dérivent de sa nature : sa durée est courte, la rémunération des services, la paye, a lieu à des intervalles assez rapprochés, toutes les semaines généralement ; quand le travail s’incorpore à un objet déterminé et que Ton peut mesurer la quantité de travail donnée par un ouvrier, cet ouvrier est ordinairement rémunéré suivant le service rendu ; cela s’appelle le salaire (voy. ce mot) aux pièces. Dans les autres cas, il est payé à la journée ou à l’heure.

Sans que le principe supérieur de la liberté du travail dont il est la conséquence en soit le moins du monde entamé, ce contrat ne laisse pas de présenter certains inconvénients naturels. D’abord, il ne peut assurer à l’ouvrier un débouché continu pour son travail ; l’acheteur de travail, de son côté, ne peut compter sur les services prolongés de son ouvrier. Cependant ni l’un ni l’autre ne consentiraient à se lier, dans les conditions ordinaires, pour longtemps. Beaucoup de points restent aussi indéterminés dans la quotité et la qualité des services à rendre i t - par le vendeur de travail. S’il est aux pièces,

? ". -J^" 1 ^ era beaucoup, niais moins bien ; s’il est

L- 1 rlV à * a J ournée > à l’heure, son travail peut être %wW l plus soigné, mais la quantité laissera à dé-J

  • sirer. Toutes ces diffîcutés ont fait naître un

antagonisme entre ce qu’on a appelé le capital et le travail. Ignorant, aussi bien les uns que les autres, hélas 1 le plus souvent, les lois qui régissent le monde économique, les vendeurs et les acheteurs du travail s’accusent réciproquement ; puis vient la lutte ouverte : la grève, moyen légitime il est vrai, conséquence du principe de la liberté du travail, mais moyen presque toujours funeste aux uns comme aux autres.

Donc la quotité et la qualité du travail rendu n’étant pas et ne pouvant pas être nettement déterminées dans le contrat de prestation de travail, les acheteurs de travail ont eu l’idée de faire surveiller leurs ouvriers de leur fournir des instruments, des outils perfectionnés. De cette façon, les entrepreneurs — ou acheteurs de travail — régularisent le fonctionnement de leurs ateliers et évitent, dans la mesure du possible, une perte. Mais cette perte, malgré les arrangements d’atelier que l’on peut imaginer, est encore relativement grande. Est-ce une raison pour dire que le salariat n’est point un progrès, qu’il est une forme nouvelle d’esclavage ?

Certainement non. Aucun contrat ne 

peut être absolument parfait, parce que rien d’humain n’est parfait. Ce contrat, néanmoins, a fait l’objet de bien des attaques passionnées. La liberté donne, en même temps que de grands avantages, une grande responsabilité ; pour être digne d’être libre, il faut savoir l’être. Malheureusement, la plupart des ouvriers, par une sorte de phénomène d’atavisme, agissent comme si une autorité supérieure devait penser pour eux. Ce sont trop souvent au point de vue économique des êtres mineurs, et ils tendent vaguement, à cause de la fatalité historique qui semble les guider, vers le groupement corporatif.

On a proposé déjà beaucoup de moyens pour remédier à cet état morbide. Ces moyens, qui avaient leur origine dans des idées humanitaires fort belles, manquaient de fond. L’œuvre s’écroulait vite et, du reste, ne valait que par son fondateur. Proclamer que le travail est attrayant et que, s’il ne l’est pas, on doit s’efforcer de le rendre tel, c’est affirmer un fait que l’expérience dément tous les jours. Le travail est une peine ; il est aussi / une loi pour l’homme qui ne peut y échap- X per.

Il était donc nécessaire de s’appuyer sur une base plus solide pour tenter de rapprocher les acheteurs et les vendeurs de travail. On a imaginé, dans ce but, le système de la participation aux bénéfices qui, bien appliqué, augmente, sans aucun doute, la puissance productive. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’examiner comment s’est établi cette sorte de contrat fort curieux, que Léon Faucher a appelé un nouveau contrat.

C’est de l’entrepreneur que vient l’initia- / tive ; c’est lui qui propose à ses ouvriers ce pacte. « Vous êtes salariés, leur dit-il, à la x journée, à l’heure ou aux pièces ; vous ne travaillez, avec ces différentes conditions, que strictement, de façon à défendre votre ■intérêt personnel étroit. Toute augmentation de travail ou de soin ne vous rapporterait rien directement ; aussi êtes-vous indifférents aux bénéfices que peut réaliser l’entreprise. L’entreprise y perd, et vous aussi. A partir d’aujourd’hui, non seulement vous aurez votre salaire, mais aussi une part dans les bénéfices que vous concourrez à produire. Vous ne participerez pas aux pertes que j’espère, du reste, sinon éviter, tout au moins atténuer par ce moyen. Pour cela, il faut tout d’abord avoir confiance en moi ; je vous demande tout simplement une avance de travail et de soin qui ne vous appauvrira pas, une sorte de capital latent que vous ne pourriez faire valoir nulle part ailleurs qu’ici, .puisque vous ne pouvez séparer votre intelligence directrice de vos bras et de vos forces. »

A défaut de l’initiative, l’entrepreneur prend tout au moins la décision. Son intérêt