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PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES — 433 — PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES le pousse à essayer de rendre moins dur un antagonisme funeste à. la production et aux producteurs de toute nature. Il fait appel à un mobile puissant, l’intérêt de son ouvrier, et si ce dernier apporte plus de soin et d’ardeur dans son travail, la puissance productive augmente évidemment.

Mais il faut, pour que cet accroissement se maintienne, résoudre des difficultés spéciales à chaque milieu dans lequel la participation est appliquée, surtout en ce qui concerne l’évaluation et le partage des bénéfices. Le succès de la participation exige l’accomplissement de bien des conditions. Il est surtout nécessaire que l’entrepreneur dirige convenablement son entreprise et que ses ouvriers aient confiance en sa parole.

Ces qualités ne se trouvent pas complètes généralement chez les uns et les autres. Il suffit qu’elles soient en germe chez les ouvriers — l’entrepreneur étant préparé soliment en vue de l’expérience — pour qu’elles se développent sous Faction « rapprochante » de la participation.

Dans ces conditions de confiance réciproque, de bonne volonté et d’intelligence, la participation a pour effet :

De diminuer le coût de production, d’obtenir un produit meilleur, d’empêcher la détérioration des outils, de supprimer presque le coulage, de laisser l’ouvrier indifférent en -ce qui regarde les variations de salaires et, %/ par conséquent, d’éviter les grèves. ïT En effet, le payement total de l’ouvrier dans la participation se compose de deux éléments : 1° un élément à peu près fixe, le salaire ; 2° une somme variable qui est ordinairement calculée d’après ce salaire et qui dépend de la somme des bénéfices. Cette somme variable augmentera donc proportionnellement à la diminution des frais de toute sorte, y compris les salaires. /En fin de compte, l’ouvrier trouvera a peu près, d’un côté, ce qui lui aura été versé en moins de l’autre. De plus, les bénéfices étant payés à la fin de chaque année, par exemple, il en résulte une épargne très avantageuse, pour lui. En effet, M. Courcelle-Seneuil a parfaitement démontré que l’effort fait dans l’épargne est un travail moral dont sont capables seuls les individus et les peuples arrivés à un certain degré de civilisation. Il y a toujours deux tendances chez l’homme : / l’une originelle qui le pousse à l’état sauvage, / c’est-à-dire à la paresse, à l’imprévoyance, à la dissipation, l’autre qui le tient discipliné pour satisfaire les besoins sans cesse renaissants et nouveaux que font naître la société et les mœurs modernes. Faire prédominer cette dernière force, que nous appellerons II.

positive, sur l’autre qui est essentiellement négative, c’est élever le degré de puissance productive de l’homme et de la société. À ce titre, la participation est une excellente école d’éducation économique en ce qu’elle commence à habituer progressivement les ouvriers à la responsabilité.

C’est ainsi que, souvent, les parts de bénéfices revenant à chaque participant ne sont pas entièremeni versée au bénéficiaire. Ces parts ou ces portions de part sont employées a fonder, sous le contrôle des intéressés, des institutions de prévoyance, des caisses de secours, etc. Dans certaines maisons même, où la participation ’ est arrivée par une évolution progressive à son entier épanouissement, dés sommes sont prélevées sur les parts pour constituer un fonds de réserve qui peut servir à parer aux pertes. Peu à peu ainsi, la participation qui n’est qu’une sorte d’association incomplète, au début, devient une association complète plus tard. ■ . La participation est-elle en contradiction avec le principe de la liberté de travail ? Certainement non ; le principe de ce mode de rémunération du travail respecte entièrement la liberté des uns et des autres. Mais il arrive souvent que ceux qui sont tes premiers à proclamer les principes de liberté, ne pouvant réussir à les mettre en pratique, vont ensuite demander aide et protection à l’État. Les promoteurs de Vidée de participation n’ont point eu besoin de recourir à ce moyen ; cela, par une bonne raison, c’est que la plupart d’entre eux ont réussi, sans l’intervention d’aucune autorité, à établir la participation dans leurs établissements industriels. Comme nous le verrons plus loin, la participation, avec toutes les conditions requises pour son succès, a donné de bons résultats. Si elle n’a pas donné peut-être tout ce qu’on pouvait en attendre en Angleterre, dans un pays industriel par excellence, c’est, de l’avis de Herbert Spencer, « que le système industriel actuel est la conséquence de l’état actuel de la nature humaine et que son amélioration ne se fera qu’autant que la nature humaine s’améliorera ».

Non seulement les partisans de la participation ne se réclament pas de l’État, mais ils repoussent avec énergie toute proposition qui tendrait à introduire l’État dans leurs affaires. Une proposition de loi ayant été faite à la Chambre des députés, il y a quelques années, pour rendre la participation obligatoire en matière de travaux publics, lu Société pour V étude pratique de la participation du personnel dans les bénéfices s’émut et chargea une commission de trois membres


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