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Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/460

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PÉAGE

. Historique.

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PEAGE

Le péage était connu des Grecs et des Romains.

A l’exemple de ces derniers et après l’invasion des barbares, les rois francs concédèrent un certain nombre de péages que l’anarchie féodale multiplia bientôt sans mesure. Au xin e siècle seulement, apparut un premier essai de réglementation : aucune taxe nouvelle ne put être imposée au commerce sans l’acquiescement du roi ; le péager devait assurer le bon état des chaussées et ouvrages d’art ; il était même responsable des vols et meurtres commis du lever au coucher du soleil sur les routes dont il avait la charge. Ces prescriptions ne furent guère observées. On en trouve le témoignage dans plusieurs arrêts du parlement condamnant des hauts justiciers à l’amende étala réparation du dommage pour n’avoir point veillé à la sécurité des voyageurs et marchands, dans la traversée de leurs terres ; et la liste serait longue des actes du pouvoir royal qui abolissent des péages irrégulièrement institués ou ordonnent la saisie des sommes perçues, parce qu’elles sont détournées de leur destination.

Plus tard, l’ordonnance d’août 1669 sur les eaux et forêts exigea des bénéficiaires la production d’un titre ou la justification d’une possession immémoriale, dont le contrôle fut confié, dans la suite, à une commission spéciale créée, sous le nom de bureau des péages, par un arrêt du conseil du 29 août 1724. Enfin, le 15 août 1779, le roi décida que tous les péages prendraient fin, sauf remboursement des propriétaires engagistes, dès que la guerre serait terminée. Cette dernière tentative devait échouer comme les précédentes : les privilèges étaient trop vivaces, les abus trop profitables. Il fallut la Révolution pour faire disparaître les uns et les autres.

Les lois des 24 mars 1790, 25 août 1792 et 17 juillet 1793 supprimèrent progressivement, sans indemnité, toutes les taxes consenties en faveur de particuliers. Seuls subsistèrenLles péages au profit du Trésor public et des communes.

La taxe des grandes routes, établie par la loi du 24 fructidor an V pour subvenir à leur confection, entretien et réparation, fut remplacée le 28 avril 1806 par un impôt sur le sel. Il est à remarquer toutefois que la loi du 24 avril 1834 devait autoriser la création de droits pour rectifications et corrections de rampes sur les routes.

La faculté de percevoir des taxes au passage des ponts, reconnue pour la première fois parla loi du 14 floréal an X, fut maintenue dans la suite par les lois annuelles de finances. Parmi les 569 ouvrages construits sur les routes de 1800 à 1847, 137 seulement ont été mis gratuitement à la disposition des usagers. Au 31 décembre 1860, il n’existait pas moins de 518 ponts à péage desservant les voies de terre de toute catégorie. Mais, grâce à la loi du 30 juillet 1880, tous auront disparu dans un avenir assez prochain. En créant les voies et moyens nécessaires, cette loi a déjà permis de racheter 153 concessions. Elle interdit, de plus, l’établissement de tout nouveau péage pour la mise en état des voies de communication autres que le ? chemins vicinaux.

Ces efforts continus vers le complet affranchissement de la circulation sur la voirie par terre ne se sont pas étendus, jusqu’à présent, aux droits de bac, dont le régime n’a subi, dans le cours de ce siècle, qu’une modification sensible : depuis 1814 les recettes rentrent dans les ressources générales du budget et ne sont plus exclusivement affectées aux dépenses des passages d’eau. En ce qui concerne les canaux, ils étaient, sous l’ancien régime, construits et exploités par des particuliers .La Restauration suivit les mêmes errements. Entre-temps et plus tard, un certain nombre furent gérés au compte de l’État. La loi du 30 floréal an X soumit ces derniers à des droits de navigation intérieure dont les produits étaient attribués au canal, au fleuve ou à la rivière sur lesquels ils étaient recueillis. Il en résulta que les voies non concédées eurent aussi leur tarif respectif, fixé en raison des dépenses nécessitées par leur réparation et leur entretien, et, bien que la spécialité des ressources qui en provenaient ait été supprimée par la loi de finances du 23 septembre 1814, la diversité de ces tarifs ne prit fin qu’en 1836.

Commencé vers 1852, le rachat des concessions sur les canaux reçut une vive impulsion à partir de 1860. De plus, la quotité des droits, devenus uniformes, était successivement abaissée : les lois du 21 décembre 1879 et 19 février 1880 les firent disparaître définitivement. C’est ainsi que la navigation intérieure est à l’heure actuelle devenue presque complètement libre : la 1 ongueur des voies navigables non encore rachetées, les seules sur lesquelles une redevance puisse être perçue, était en effet réduite, dès 1882, à environ 800 kilomètres. Tel est le rapide historique du péage en France. Il suffira d’ailleurs à l’examen, au point de vue économique, des conséquences et des limites de l’application de cette taxe.