Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/471

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

PECHE


PÊCHE

Le prix de ce permis devrait être, comme en Angleterre, proportionnel à l’importance des droits qu’il conférerait.

Le pêcheur à la ligne qui prend un saumon ayant une valeur moyenne de trente francs, devrait être taxé autrement que celui qui se borne à prendre les goujons. Le pêcheur au filet qui, comme dans la basse Loire, peut ramener pour plus de 3000 francs de saumons d’un coup de filet devrait être plus fortement taxé que le pêcheur à l’épervier qui prend des vérons ou des ablettes. En dehors du permis dépêche annuel établi comme ceux qui sont en usage en Suisse, en Angleterre, variant de 5 francs à 100 francs, il devrait être créé des permis de pêche journaliers pour la pêche à la ligne volante, sous forme de tickets d’une valeur de fr. 25, qui, se trouvant partout, chez les marchands de tabac, chez les marchands d’ustensiles de pêche, etc., pourraient être mis facilement a la disposition de tous.

Il nous semble inutile de déduire les résultats d’une semblable organisation et nous estimons, en prenant pour point de comparaison le revenu des districts anglais produit par le réseau de rivières qui les arrosent, que le permis de pêche amènerait dans les caisses du Trésor les ressources nécessaires à la création de dix mille emplois de gardespêche.

En résumé, ce permis dont le coût serait gradué en raison de l’importance des droits qui seraient conférés à son porteur permettrait à l’État d’être toujours pourvu d’emplois civils à donner aux sous-officiers, en facilitant aussi l’économie certaine de l’indemnité journalière fixée à i/365 de la différence entre la pension à quinze ou à vingt-cinq ans, de doter le pays de nombreux et excellents surveillants, de gens éprouvés, chez qui leurs précédentes fonctions auraient développé les idées généreuses, qui en temps de guerre connaîtraient les gués, les moindres ressources pour l’attaque et la défense dans le voisinage des cours d’eau confiés à leur garde et qui, réunis aux gardes forestiers, aux gardes champêtres (s’ils étaient embrigadés), aux cantonniers commissionnés, constitueraient une force réelle mise à la disposition de nos armées.

L’établissement d’un droit distinct pour chaque genre de pêche serait donc une œuvre essentiellement politique, puisqu’elle est demandée généralement, puisqu’elle donnerait satisfaction à des milliers de Français qui demandent que leurs intérêts ou leurs plaisirs soient protégés. Il serait aussi une œuvre nationale, puisqu’elle assurerait à nos «ous-officiers les emplois civils qui manquent, que tous auraient les aptitudes nécessaires pour les remplir et que l’économie des charges qui résultent du défaut d’une certaine catégorie d’emplois civils serait assurée. En peu d’années les eaux françaises, soumises à un régime de surveillance régulière,. retrouveraient leur ancienne richesse et l’alimentation publique n’aurait plus à recourir à la production étrangère. Une surveillance, largement et rigoureusement établie, serait toutefois insuffisante pour assurer le bon fonctionnement dans tous les services sans le remaniement complet de la loi du 15 avril 1829 et ce remaniement ne saurait être profitable, si nos législateurs ne s’inspiraient pas des systèmes employés dans les pays qui importent en France les plus grandes quantités de poisson frais d’eau douce.

La loi de 1829 est absolument arbitraire. L’État, en amodiant ses droits par voie d’adjudication, confère à l’adjudicataire le droit de pêcher sur le cantonnement qu’il loue. Il lui confère aussi le droit de délivrer des permis de pêche à la ligne et au, filet dont le nombre est limité par l’administration.

L’amodiataire devient par ce privilège le seul maître. Il délivre à qui bon lui semble les permis, en fixe la valeur, en trafique, les donne, les reprend, les refuse et tous ceux qui veulent pêcher sont à sa merci. Le droit de pêche dans les rivières navigables appartient à l’État. Pourquoi l’État n’ assimile- t-il pas le droit de pêche au droit de chasse, ne l’impose-t-il pas, ne crée-t-il pas ce permis de pêche (qu’il autorise les adjudicataires à délivrer), de façon à donner aux pauvres et aux riches, à tous enfin, le droit de se livrer à la pêche selon leurs moyens ? Le permis de chasse produisait en 1 844 pour l’État et pour les communes 3 128825 fr. En 1884, le total des droits s’élevait à 11 327484 fr. Combien le permis de pêche serait plus productif encore ! Le système actuel d’amodiation des droits de pêche a créé le vide, le. dépeuplement N’èst-îl pas temps d’y renoncer ? En y renonçant et en créant le permis de pêche, l’État devrait se préoccuper de la réglementation de l’emploi des engins, des différents modes de pêche à autoriser, de la fermeture et de l’ouverture de la pêche par régions restreintes, car l’époque du frai des poissons est variable selon la température . des eaux ; de la destruction des loutres, en suivant l’exemple de la Belgique dont le gouvernement, par un arrêté royal du 9 juillet 1889, instituait une prime de 10 francs délivrée à quiconque détruit une loutre sur le territoire belge. L’année suivante, 4400 franca