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PHYSIOCRATES

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PHYSIOCRATES

gences n’existent que dans les détails ; les vues générales sont partout les mêmes» Dans le présent article, où nous envisageons le système dans son ensemble, nous parlerons très peu des changements et des nuances.

2. Résumé de l’histoire de l’école physiooratiqpae.

Les sciences sociales n’ont guère été étudiées un peu sérieusement qu’à partir du xvni e siècle. Jusque-là, on s’en tenait, en ce <jui concerne les fondements du droit, aux vieilles formules des jurisconsultes et, en ce qui concerne les problèmes économiques, on n’en avait élucidé qu’un très petit nombre. En France, on s’était occupé des impôts à propos de la Dîme royale de Vauban, du papiermonnaie après le système de Law, du luxe .avec Melon et Dutot ; à l’étranger, Locke Avait émis quelques vérités. C’était à peu près tout. Après la publication de Y Esprit des lois (1749), l’Europe fut inondée d’ouvrages de droit et de politique ; beaucoup d’idées furent remuées ; mais la plupart des écrivains -continuèrent à examiner les questions par sentiment, avec des réminiscences de l’anti- •quité, en s’attachant bien moins aux notions vérifiées qu’aux belles périodes. L’argent est àa riehesse ; la propriété individuelle est la source des malheurs des hommes ; elle est uniquement fondée sur les lois civiles ; ces lois ont été créées de toutes pièces par l’imagination des législateurs ; les sociétés ont pour origine les conventions humaines ; les échanges internationaux doivent, pour être favorables à un pays, se solder par une balance en argent ; le commerce et l’industrie doivent être réglementés par le gouvernement : voilà ce que Ton disait et répétait de tous côtés. C’est Gournay, Quesnay et leurs amis qui ont attaqué avec le plus de force tous ces préjugés.

Gournay fut nommé intendant du com- •merce en 1751 ; Quesnay avait été choisi comme médecin par M me de Pompadour en 1749, Le premier, sans écrire aucun livre, s’occupa activement de l’émaneipation du travail et de l’abolition des corporations. Le ■second eut en vue le développement de l’agriculture et l’établissement de la liberté commerciale à l’intérieur et à l’extérieur. Tous deux firent servir au succès de leurs idées l’influence que leurs places leur donnaient ; l’un, en agissant sur le roi et sur les ministres par l’intermédiaire de la favorite ; l’autre, •en imprimant une direction libérale au conseil du commerce. Grâce à leurs efforts simultanés, de nombreuses améliorations furent introduites dans la législation et dans l’administration commerciales. En 1754, la liberté fut donnée au commerce des grains à l’intérieur du royaume ; une mesure analogue fut prise pour le commerce des laines ; l’exportation des céréales fut autorisée dans le Languedoc et la généralité d’Auch ; des encouragements furent accordés à l’agriculture ; des sociétés d’agriculture furent fondées ; des écoles vétérinaires furent ouvertes ; l’administration ferma les yeux sur les infractions aux règlements dans les fabriques de soie.

Gournay provoqua, en outre, la publication d’un assez grand nombre d’ouvrages destinés à appeler l’attention sur les questions économiques et lança sa fameuse formule ; Laissez faire, laissez passer, que Turgot expliqua dans l’Encyclopédie à l’article Fondations. Quesnay, de son côté, signala dans le même recueil aux articles Fermiers et Grains (1756 et 1757) les obstacles qui s’opposaient au développement de l’agriculture et fît ressortir l’influence que les capitaux exercent sur la production. Il fit suivre le dernier de ces articles des Maceimes de gouvernement économique dans lesquelles il avait résumé ses vues fortes et nouvelles et qu’il modifia pour Louis XV, un an plus tard, lorsqu’il les fit imprimer dans le palais de Versailles, en les couvrant du titre apocryphe d’Extraits des Mémoires de Sully. Déjà, à ce moment, il avait pour auxiliaire le marquis de Mirabeau (voy. ce nom), qui, dans l’Ami des hommes , avait traité avec originalité beaucoup de sujets et qui mettait au service de son maître une réputation acquise et un besoin d’écrire intarissable. Bertin, autre ami de Quesnay, était entré au contrôle général et se montrait disposé à prorévoquer des formes.

La mort de Gournay (1759) et la publication de la Théorie de l’impôt (1760) dont l’auteur, le marquis de Mirabeau, fut envoyé à Vincennes, coïncidèrent avec un mouvement de réaction protectionniste. Mais la marche vers les idées libérales reprit en 1763 ; Bertin fit signer par le roi une déclaration permettant à tous les sujets, même nobles, d’entreprendre le commerce des céréales à l’intérieur, d’installer des magasins, de transporter les grains d’une province à l’autre, de sorte que le commerce des grains fut presque libre, légalement, à l’intérieur du royaume. Au parlement, la déclaration n’avait pas été enregistrée sans difficulté ; elle n’avait passé que sur cette réflexion de l’abbé Terray, rapporteur :

« Essayons-en ; si, comme il y a tout lieu de le craindre, l’expérience prouve les inconvénients de cette nouvelle législation , on reviendra aux anciennes lois ».

Les économistes, d’après le nom qu’on donna