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1.° Assurances sur la vie. — Les relevés statistiques dont se sert l’assurance sur la vie, se présentent sous la forme de tableaux numériques appelés tables de mortalité ou de survie. La méthode employée consiste à suivre, année par année, l’ensemble d’une génération fictive en défalquant successivement du nombre total des naissances le nombre des décédés. La première ligne représente soit le nombre total sur lequel on opère, soit ce nombre ramené à une unité métrique pour faciliter les calculs. La deuxième ligne donne le même nombre moins la mortalité d’une année, et ainsi de suite. On obtient de cette façon pour chaque âge, le nombre des vivants et le nombre des morts. Un simple rapprochement permet de constater la probabilité qu’il y a, pour un individu d’un âge déterminé, à atteindre un autre âge également fixé d’avance.

Trois méthodes ont été employées pour dresser les tables de mortalité. La première est celle dont Halley se servit au siècle dernier et qui consistait à faire, dans les registres de l’état civil, le relevé de tous les décédés de chaque âge, depuis la naissance jusqu’à l’extrême vieillesse. Dans ces conditions, si le nombre total des décédés se trouve être de 100000 et que, parmi eux, 15000 n’aient pas atteint l’âge d’un an, il est évident que le nombre des survivants à cet âge sera égal au total des décédés diminué de ceux qui n’auront pas atteint un an ; c’est-à-dire que sur ces 100000 individus supposés vivants à une époque fixe, il en restera 85000 l’année suivante. En se livrant à la même recherche, on obtiendra, pour tous les âges de la vie, le nombre des survivants de chaque âge. Il en serait ainsi du moins, si le chiffre de la population restait stationnaire. Or, on sait qu’au contraire les relevés de l’état civil et les recensements accusent chaque année un excédent des naissances sur les décès et une augmentation continuelle de la population. La méthode de Halley est donc viciée dans son principe. En effet, dans cette façon d’établir des tables de survie, le nombre des vivants, proportionnellement à celui des décédés, diminue à mesure qu’on s’avance vers un âge plus reculé et la probabilité de mort, déjà trop forte dans les premières années, devient hors de proportion et tout à fait fausse dans les dernières. La deuxième méthode consiste à suivre la règle inverse. Au lieu de prendre le nombre des morts à chaque âge, on fait le relevé du nombre des vivants, et leur rapprochement fournit le total des décédés de chaque âge. Cette méthode a évidemment le même défaut que la précédente ; et pas plus qu’elle, d’ailleurs, elle n’est usitée dans les compagnies d’assurances.

Reste donc la troisième méthode, due à Deparcieux (V. ce nom), qui consiste à observer un groupe humain déterminé à l’avance et à le suivre de la naissance à la mort. C’est ce qu’on a appelé la méthode directe. Les éléments d’observation furent pris par Deparcieux dans les registres des trois tontines de 1689, 1696 et 1734. Après avoir déterminé le nombre des tontiniers vivants à un certain âge le savant actuaire (V. ce mot) compta, de cinq en cinq ans, le nombre des survivants, ramena à 1000 le nombre des sujets observés et fixa, par des interpolations, le chiffre probable des décédés des âges intermédiaires. C’était la seule méthode véritablement féconde ; aussi a-t-elle été le plus souvent suivie de nos jours pour l’établissement des tables de survie, sinon avec la simplicité que présente le système, du moins au moyen de procédés équivalents qui font disparaître les anomalies de Deparcieux.

Les principales tables dont se sont servies les compagnies d’assurance sur la vie sont les suivantes. En France, la première est celle dont nous venons de parler et qui date de 1746, spécialement pour les capitaux exigibles en cas de vie. Nos compagnies l’emploient encore provisoirement ; elle n’aura bientôt plus qu’une valeur historique, car de nouvelles tables sont en préparation. Les résultats qu’elle donnait n’étaient pas tout à fait exacts. On reconnut, par la suite, qu’elle indiquait une mortalité trop rapide à partir de la soixantième année. En 1806, Duvillard publiait, dans un ouvrage intitulé Analyse de l’influence de la petite vérole sur la mortalité, une table qui accusait une mortalité exagérée dans la jeunesse et dans l’âge mûr, et beaucoup trop faible dans la vieillesse ; elle fut écartée. Vinrent ensuite, par ordre de dates, la table de Demontferrand, construite en 1838 ; celle des sociétés de secours mutuels, qui remonte à 1852 ; celle de Beauvisage, établie en 1867, à l’aide des données empruntées aux registres de la tontine Lafarge ; la table des pensionnaires civils de l’État, construite en 1879 ; enfin celle, toute récente, de la Caisse des retraites de la vieillesse.

Nos compagnies d’assurances sur la vie s’étaient donc servies jusqu’ici, pour la plupart, de tables de mortalité établies à une époque relativement ancienne.

En Angleterre, depuis longtemps, et aux États-Unis, les tables de mortalité ont été modifiées de façon à être plus en harmonie avec les règles imposées par la pratique et l’expérience.