Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/498

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quatre de nos principales compagnies, celles dites « du comité », ont pris l’initiative d’apporter des changements à nos anciens tableaux. Elles s’étaient jusqu’alors tenues trop éloignées des coefficients de mortalité réelle, car, avec les progrès de la science médicale, une observance mieux entendue des règles de l’hygiène, il y a eu augmentation de la vie probable à tous les âges, accroissement aussi de la vie moyenne dans l’ensemble de la population. Ces compagnies ont puisé dans leurs archives et ont récolté assez de matériaux et d’éléments pour établir de nouvelles tables qui ne tarderont pas à recevoir l’approbation des autorités compétentes, auxquelles elles ont été soumises. Les tables en préparation ont, du reste, figuré à l’Exposition de 1889, section de l’économie sociale, et ont même été l’objet d’une haute récompense, car elles complétaient une partie des travaux de nos statistiques officielles. En 1890, elles ont été encore revues en leur ensemble, et il y a toute raison de croire qu’elles entreront bientôt en application. Elles provoqueront sans doute un remaniement dans les tarifs, ce qui ne saurait que profiter au public. On ne pourra plus accuser nos compagnies de s’attarder en des règles surannées et des pratiques condamnées par l’expérience.

En Angleterre, les tables de mortalité n’ont guère été moins nombreuses que chez nous. Les premières furent celles de Halley et de Simpson, puis celles de Northampton et de Price, construites d’après la même méthode. En 1816 seulement, Carlisle et Milne employèrent la méthode de Deparcieux ; mais ils se servirent de données trop peu nombreuses et fournirent des chiffres exagérés, ce qui permit aux compagnies qui y eurent recours de faire des bénéfices considérables. La table de Finlaison, qui parut en 1829 et fut revisée en 1860, fut construite à l’aide des données portant sur 18798 têtes de tontiniers, et le gouvernement anglais l’emploie encore aujourd’hui pour calculer le taux de ses rentes viagères. On peut citer encore les tables de la compagnie d’assurances mutuelles l’Équitable, qui date de 1834, celle des dix-sept compagnies de 1843[1] basée sur 83,905 observations, et celle des vingt compagnies de 1869[2], construite par les soins de l’Institut des actuaires anglais à l’aide des observations faites sur 160426 assurés, qui ont fourni des données extrêmement précises et plus complètes que les tables françaises. Aux États-Unis, on ne connaît guère que deux tables importantes, calculées toutes deux par M. Homans en 1859 et en 1868. Elles sont fondées sur l’expérience de la Mutual Insurance Company de New-York, et la seconde a été adoptée comme table type sous le nom d’American experience table.

Les tables allemandes de Süssmilch (V. ce nom) et Baumann (1775) ne sont plus employées aujourd’hui par les compagnies d’assurances d’au delà du Rhin. Celles-ci se servent presque exclusivement de la table de Brune, qui date de 1837 et est fondée sur les données recueillies par la Caisse prussienne de rentes pour les veuves de fonctionnaires publics, pendant une période de soixante-neuf années. En 1880, le docteur Emminghaus, directeur de la banque de Gotha, publiait une table reposant sur les données fournies par la Société mutuelle d’assurances de cette ville pendant cinquante ans ; mais bien que sa valeur scientifique soit indiscutable, elle le cède néanmoins à celle que le docteur Semmler avait construite en 1875, sur les données de la Caisse prussienne de rentes et que le gouvernement allemand a choisie comme base des tarifs de la Kaiser Wilhelms Spende.

Si l’on examine toutes les tables que nous venons de citer et qu’on cherche à en rapprocher les éléments, on se trouvera en face de différences assez sensibles. C’est qu’en effet toutes les données dont les actuaires se sont servis pour la confection des tableaux de mortalité ne résultaient pas de calculs absolus, mais présentaient seulement une série d’instruments d’appréciation distincte. Il faut naturellement tenir compte du sexe, du climat, de la latitude, des habitudes et du genre de vie, des besoins et des moyens de la population et faire entrer tous ces éléments en ligne de compte dans l’appréciation générale de la probabilité de mort.

La meilleure table de survie, au point de vue scientifique, serait nécessairement celle qui reposerait sur le plus grand nombre d’observations ; aussi les statisticiens de tous les pays ont-ils cherché à opérer en grand. Les tables de Farr (V. ce nom), de Quetelet (V. ce nom) en Belgique, de Bertillon en France, de Becker en Prusse, de Kiaer en Norvège, ont été faites dans ce but, mais elles ne répondent pas aux besoins des compagnies d’assurances. Celles-ci doivent posséder des tables qui se rapprochent le plus possible de la mortalité réelle pour chaque âge, dans les conditions où elles opèrent. Ce qui leur est nécessaire, ce n’est donc pas une table de survie exacte, qui aurait le défaut de répartir très inégalement les charges de l’assurance, c’est une table de survie moyenne, faite d’après leur

  1. Experience mortality table n° 1 ou Actuaries table 1843.
  2. Institute of actuaries experience table ou Experience table 2.