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Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/61

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Florence, et dans les pires conditions de la progression .

- Surgirait alors la question du nécessaire > il faudrait fixer une sostanza ou minimum ; non seulement il faudrait un minimum, mais l’évaluation du capital donnerait lieu aux mêmes décroissances qu’aux États-Unis, où il existe : 1° un capital fiscal ou imposable de 17 milliards ; 2° un capital d’évaluation de 43 milliards ; 3° un capital réel supérieur (60 milliards).

D’après ces décroissances, on ne peut pas estimer à plus de 150 milliards le capital d’évaluation de la France et à plus de 100 milliards le capital imposable. Il faudrait défalquer les petits capitaux (meubles, parcelles de terre), de sorte que 80 milliards au plus devraient acquitter par an quatre milliards d’impôts. La taxe serait donc de 5 p. 100. Aux États-Unis, où elle est de 1 p> 100, on la trouve lourde.

Un impôt de 5 p. 100 sur le capital équivaudrait à une taxation supérieure au revenu pour certains rentiers, capitalistes, et à près de 23 p. 100 pour les profits proprement dits, évalués à 15 p. 100. De pareils impôts entraîneraient l’émigration des capitaux, la diminution du travail et la baisse des salaires.

Il est vrai que les classes laborieuses, devenues privilégiées, payeraient moins de -4axes, mais si elles augmentaient leurs consommations, au lieu d’augmenter leurs épargnes, le pays s’appauvrirait rapidement. Tel a été le sort de Florence, tel celui de la Hollande, bien que ni Florence ni la Hollande n’aient pratiqué l’impôt unique sur le ■capital.

Et même une taxation de 1 milliard par an sur le capital de la France serait une lourde charge, parce que le capital, après avoir augmenté de 1820 à 1874 avec une extrême activité, est loin de se développer comme aux États-Unis»

Aussi l’impôt deviendrait-il promptement progressif et spoliateur. Ce n’est pas que certains impôts, comme les taxes successorales, ne puissent supporter une progression modérée ; mais une progression générale, annuelle, comme celle qui a été pratiquée à Florence, serait un excitant dangereux, malgré l’avis de Machiavel.

Le but de l’impôt progressif ne doit pas être de détruire, mais seulement de diminuer les avantages que procure naturellement aux riches sur les pauvres la disposition d’une grande fortune. Dès que l’impôt atteint même légèrement le goût et, si l’on veut, la passion de s’enrichir et la décourage, la progression est certainement excessive. Le mot capital est une expression qui fascine, mais qui ne veut rien dire par elle-même. En termes de fiscalité, qui demandent une certaine précision, capital équivaut à fortune, richesse, biens meubles et immeubles. Ce n’est cependant qu’une portion du capital, car le capital intellectuel, moral artistique, scientifique, représente encore non seulement une valeur d’évidence, mais une source de produits matériels considérables.

Ce capital-là, le capital immatériel, est une assez grosse difficulté dans l’hypothèse d’un impôt unique sur le capital.

Si on s’en tient au capital matériel, il faut naturellement le diviser dans les divers éléments qui le constituent. C’est ce que faisait le cens à Athènes et à Rome, c’est ce qu’il fait aux États-Unis. Même opération avec Yincome-taœ qui donne les évaluation du revenu et du capital. Il en est ainsi pour la taxe des pauvres.

Cette décomposition étant faite, quelle pourra être l’incidence de l’impôt unique sur le capital ? Elle correspondrai l’incidence des impôts directs qui atteignent actuellement chaque élément du capital, biens ruraux, maisons, valeurs mobilières, capitaux hypothécaires, meubles, etc.

Un des publicistes 1 qui, dans ces dernières années, s’est le plus occupé, tout en reculant devant les conséquences de sa thèse, de l’impôt unique sur le capital, a méconnu les conditions d’incidence d’un impôt unique sur le capital ; le capital d’un particulier n’est pas une somme donnée, chiffrée au hasard, sur lequel l’impôt serait prélevé ; jamais l’impôt n’a eu et n’a pu avoir un pareil caractère. Il ne peut porter que sur des biens déterminés. Tel est le cas pour les droits de mutation, qui forment un impôt sur le capital.

L’incidence varierait d’après la nature des biens, parce que c’est dans l’ordre des choses. En général, elle retomberait sur les propriétaires des capitaux divers, mais il n’en est pas autrement avec les législations actuelles. Ainsi, aux États-Unis, les propriétaires de fermes ne peuvent rejeter sur leurs fermiers, quand ils en rencontrent, les impôts que, plus favorisés, les propriétaires urbains réfléchissent sur leurs locataires. L’impôt unique sur le capital n’offre aucun avantage d’incidence, parce qu’il serait unique ; c’est l’impôt sur le capital. Mais si l’impôt unique sur le capital ne présente pas d’avantages, au point de vue de l’incidence, il pourrait avoir les plus sérieux inconvé- [1]

  1. Emile de Girardin.