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IMPOT —

pour la croisade). Saint Louis réglementa la taille pour les quatre cas où elle peut être perçue. Avec Philippe le Bel, le revenu territorial cesse manifestement de suffire aux dépenses normales des services publics. Sous prétexte de besoins extraordinaires qui se renouvelaient incessamment, on voit se succéder les taxes sur les marchandises, sur le sel, la traite foraine, le feuage, le treizième des prix des vins. Les malheurs de la guerre de Cent ans, notamment la captivité et la rançon du roi Jean, ne justifièrent que trop la continuation de ces levées exceptionnelles. Enfin, en 1444, Charles VII institua les armées permanentes et, corrélativement, la taille perpétuelle. C’est alors que l’impôt naît officiellement en France.

Le produit du domaine avait donc longtemps pourvu seul aux besoins ordinaires de la monarchie. L’impôt ne s’y est ajouté qu’à titre exceptionnel d’abord, puis à titre définitif. Actuellement, les situations sont renversées : le revenu du domaine n’est plus qu’un accessoire, presque insignifiant, de l’impôt ; son produit de 32 millions ferait à peine marcher la chose publique pendant quatre jours. Du reste, sans chercher dans le passé d’aussi lointains exemples, on pourrait en découvrir même encore aujourd’hui sous nos yeux. Ainsi, à Java, l’État hollandais, propriétaire du sol, le fait cultiver pour son compte, au moyen d’une sorte de métayage, dont les bénéfices permettent d’exempter à peu près complètement les indigènes d’impôts proprement dits.

Dans la principauté de Monaco, la ferme des jeux pourvoit à presque tous les besoins publics, et l’impôt n’y remplit qu’un rôle très effacé.

En résumé : 1° on peut concevoir les sociétés organisées sans impôts ; 2° historiquement, l’impôt est le moyen employé par les gouvernements pour se procurer des ressources au delà des produits de leur domaine. Mais ces premières conclusions ne nous procurent pas encore la définition technique à laquelle nous voulons aboutir.

, Définition de l’impôt par divers auteurs, ^ Pour définir l’impôt, l’embarras va consister dans le choix de la meilleure parmi les innombrables définitions mises en avant. Chaque financier, en effet, chaque économiste a voulu donner la sienne, au point qu’il s’est trouvé un auteur pour les collectionner toutes 1 , Nous ne puiserons dans cette collection que quelques-unes des formules les plus célèbres.

i. Charguéraud, l’Économie politique et l’Impôt.

IMPOT

Voici d’abord le Dictionnaire de l’Académie française : «Impôt. Charge publique, droit imposé sur certaines choses. » L’Académie, comme on le voit, ne se compromet pas. Elle définit les mots par les mots et l’insuffisance de cet article montre bien la nécessité d’introduire, comme on l’a fait récemment, un financier dans son sein.

_ Montesquieu dit que l’impôt est « une portion que chaque citoyen donne de son bien pour avoir la sûreté de l’autre, oupour en jouir plus agréablement». L’abbéRaynal le nomme «le sacrifice d’une partie de sa propriété pour la défense del’autre ». Mirabeau, dans Y Adresse aux Français à propos de la contribution patriotique, s’exprime ainsi : « L’impôt n’est qu’une avance pour obtenir la protection de l’ordre social. » L’Assemblée nationale, dans une de ses proclamations nommait l’impôt : « La dette commune de tous les citoyens et le prix des avantages que la société leur procure. »

D’après Voltaire : « Payer l’impôt, c’est mettre une partie de son bien à entretenir l’autre. » Le marquis d’Audiffret qualifie l’impôt de « sacrifice demandé à la société pour la protection de son existence, ainsi que pour" le développement de sa puissance». C’est, a dit M. du Puynode, « la part que chacun remet à la caisse commune pour s’assurer la paisible jouissance de ces biens et le respect de sa personne ».

. L’impôt n’est ni un échange, ni une assurance. ^ Toute cette première catégorie de définitions, sans en multiplier les extraits, revêt une idée commune et se trouve entachée d’un défaut commun. D’après elle, en effet, l’impôt ne serait qu’une avance, qu’un échange, qu’une prime d’assuranee. C’est ce qu’expriment plus crament Proudhon et Emile de Girardin : « L’impôt est un échange dans lequel l’Etat donne des services et le contribuable des écus. » — « L’impôt est et ne doit être qu’une prime d’assurance. »

^ Cette manière d’envisager l’impôt pèche, d’abord, au point de vue de l’art même de la définition. Car toutes les formules précédentes s’attachent à justifier l’impôt et non pas à le définir. Elles ont en vue la dépense, c’est-à-dire la contre-partie de l’impôt et non pasl’impôtlui-même.Ellespassentpar-dessus leur objet pour discuter sa raison d’être. Incidemment, d’ailleurs, on peut remarquer combien les textes précédents rapetissent le rôle de l’État en le circonscrivant exclusivement à la protection matérielle des propriétés et des citoyens. C’est qu’au regard de l’impôt, personne n’ose aller nlus loin. Le socialisme d’État, lorsqu’il se donne car-