Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/89

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stérile des capitaux. Le prêt fait au prodigue relève de la morale qui le condamne ; celui qui est sollicité par la pauvreté ressort du domaine de la bienfaisance ou de la charité et doit être gratuit.

c) Une troisième sorte de risques découlent de circonstances personnelles au débiteur. La situation de fortune, les antécédents, la réputation, les habitudes de travail, d’exactitude, d’ordre, d’économie, la probité, et en outre, tout cet ensemble de qualités intellectuelles et morales qui constituent ce que l’on appelle l’esprit des affaires (prévision, fermeté, prudence), sont autant de garanties personnelles dont l’absence constitue des risques spéciaux exerçant une influence marquée sur le taux de l’intérêt 1 . . Loi des variations du taux de l’intérêt. Si, après avoir déterminé sous quelles intluences peuvent varier l’offre et la demande du capital, on recherche dans quel ordre ces causes agissent, quand et comment l’une ou l’autre . d’entre elles peut devenir déterminante, on arrive à se convaincre que chacune de ces influences correspond à un ensemble de conditions économiques dont elle est la caractéristique et que, dès lors, partout où ces conditions se produisent, cette cause devient prédominante et sert de régulateur au taux de l’intérêt. En sorte que l’intérêt n’est pas seulement en relation étroite avec la situation économique, mais qu’il en est la résultante et comme l’expression. On peut faire utilement cet examen en parcourant les états successifs d’un pays qui, de l’état de pauvreté, s’achemine progressivement vers la richesse ; chacune des phases de cette évolution est caractérisée par un niveau différent de l’intérêt.

Au début, la production est primitive et peu développée ; à peine suffisante pour subvenir aux besoins de la population, elle ne donne aucun excédent et ne permet aucune épargne ; il y a pénurie de capitaux. Mais il importe peu que cette pénurie soit réelle, comme dans ■le cas supposé d’un pays pauvre et arriéré, ou qu’elle soit simulée, ainsi qu’il arrive lorsque, les conditions de sécurité générale . La durée du prêt exerce quelquefois, mais seulement dans certains cas spéciaux, une certaine action sur le taux ■de l’intérêt ; celui-ci est généralement plus faible dans les prêts à très courte échéance par la raison que les capitaux ne pouvant servir à la production qu’en s’immobilisant pour un certain temps, le nombre des emplois auxquels ils peuvent être destinés se trouve très réduit dès lors qu’on veut les conserver à disponibilité plus ou moins immédiate. Les institutions de crédit, les banques et l’État lui-même sollicitent les capitaux inactifs en quête d’emploi et peuvent ainsi, moyennant un intérêt minime, les utiliser temporairement comme fonds de roulement. étant défectueuses, le capital se cache et disparaît. Il suffit qu’il ne soit pas offert pour que le même phénomène se produise : dans l’un et l’autre cas, le capital est très cher parce qu’il est très rare. Ainsi que nous l’avons indiqué plus haut, la rareté du capital constitue un fait auprès duquel la productivité n’exerce qu’une influence subsidiaire.

L’action de ce dernier facteur ne peut d’ailleurs que concourir au même résultat. En effet, dans l’hypothèse d’une très faible productivité, l’emprunt, quand il n’est pas un signe de détresse, est une cause de ruine pour le travailleur imprudent qui tente, à l’aide de capitaux étrangers, d’agrandir sa terre infertile ou d’entreprendre toute autre opération peu productive, et cette chance défavorable est considérée comme un risque ; De telles conditions sont d’autant plus déplorables qu’elles sont trop souvent exploitées par des prêteurs peu scrupuleux : elles offrent, ainsi que nous l’avons indiqué plus haut, un milieu favorable au développement de l’usure.

Si Ton suppose, au contraire, une abondante productivité, comme dans les pays neufs où le capital peut donner de gros profits, le niveau de l’intérêt reste très élevé aussi longtemps qu’il y a pénurie de capitaux. La productivité agit ici non plus comme un risque diminuant l’offre, mais comme un stimulant de la demande et justifie par là même un intérêt élevé.

Toute amélioration des conditions économiques ayant pour effet de diminuer la rareté de capital se traduira par une baisse de l’intérêt. Une telle amélioration peut provenir, soit de l’afflux de capitaux étrangers, soit d’un accroissement de la production : celle-ci donnant un excédent, l’épargne commence son œuvre d’accumulation. A mesure que le capital devient moins rare, il se fait moins exigeant. En même temps, certains risques diminuent, car aussitôt qu’il est basé sur une production rémunératrice, l’emprunt devient pour le producteur, non plus une cause de ruine, mais une source de profits. Pendant que s’atténue progressivement l’action du facteur qui prédominait dans la première période et qui déprimait l’offre, — la rareté du capital, — l’influence du deuxième facteur, la productivité, commenceàse faire sentir sur la demande qui devient plus active : le capital n’est plus d’une excessive cherté, mais son prix reste suffisamment élevé pour encourager l’épargne. Cette deuxième période est marquée par un enrichissement rapide et peut durer aussi longtemps que, d’une part, l’épargne forme des capitaux et que, d’autre