Page:Say - Mélanges et correspondance d’économie politique.djvu/454

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ritablement la somme des maux. Qu’une veuve dans l’Indoustan demande à un bramine : Faut-il que je me brûle sur le bûcher de mon époux ? Il est à craindre que le bramine ne lui réponde : Vous ferez une action vertueuse en montant sur le bûcher ; quoique, suivant le principe de l’utilité, cette action cruelle ne soit point recommandable, puisqu’il ne résulte aucun bien pour personne de cette horrible exécution (si ce n’est peut-être une augmentation de respect et de revenu pour la caste des bramines), et qu’il en résulte au contraire une augmentation de maux déplorable. Quand bien même l’avantage qui en reviendrait aux bramines égalerait les maux qui en résultent pour les veuves, il resterait toujours que cet avantage serait pour ceux qui n’y ont pas de droits, et le mal pour ceux qui ne l’ont pas mérité ; dès-lors, affreuse injustice, augmentation grave dans la somme du mal.

Il est donc important, en adoptant le principe de l’utilité, d’écarter les vertus et les vices de convention, et de ne donner le nom de vertu qu’à ce qui augmente bien véritablement la somme du bien, et, par conséquent, à ce qui est utile ; et le nom de vice qu’à ce qui augmente bien véritablement la somme du mal. À nos yeux la vertu n’est pas vertu, parce qu’il