Page:Say - Traité d’économie politique, 1819, I.djvu/10

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vait sa marche effrayante. Une police inquiète, acquérant chaque jour quelques-uns des droits que perdait la liberté, on voyait s’approcher de nouveau, et sous d’autres livrées, cette époque de terreur où le philosophe paisible et ami du bien, courait le danger d’être assailli dans son domicile, et de voir ses manuscrits, fruits pénibles de ses veilles, saisis et dispersés. L’auteur sauva le sien par l’impression, tout imparfait qu’il était, et tandis qu’on le pouvait encore.

Il fut éliminé du Tribunat ; et en même temps, par une contradiction qui n’étonnera que ceux qui n’ont pas assez étudié les hommes et les époques, on le nomma à un emploi lucratif. Mais comme il était hors de son pouvoir de changer les principes de l’administration, et hors de sa volonté de coopérer à des désastres, il envoya sa démission, et résolut d’essayer, dans un cercle borné, de faire le bien qu’on devait désormais désespérer d’opérer en grand. Il forma dans un méchant village, à cinquante lieues de Paris, une manufacture ou quatre cents ouvriers, la plupart composés de femmes et d’enfans, trouvèrent de l’occupation ; en peu d’années, il eut la satisfaction de voir l’industrie et l’aisance animer des campagnes où, durant plusieurs siècles, un régime féodal et monacal n’avait su entretenir que la mendicité et la misère.

Ses loisirs furent employés à perfectionner ce livre, qu’on ne pouvait plus des long-temps se procurer dans la librairie : il menait ainsi de front la théorie et la pratique. Enfin il profita de l’espèce de liberté qui suivit l’entrée en France des armées de l’Europe entière, pour donner de cet ouvrage une seconde édition, beaucoup moins impar-