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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

leurs besoins ; c’est le montant de cet excédant qui constitue l’enrichissement des particuliers et des sociétés. Un pays marche d’autant plus rapidement vers la prospérité, que chaque année il s’y trouve plus de valeurs épargnées et employées reproductivement. Ses capitaux augmentent ; la masse d’industrie mise en mouvement devient plus considérable ; et de nouveaux produits pouvant être créés par cette addition de capitaux et d’industrie, de nouvelles épargnes deviennent toujours plus faciles.

Toute épargne, tout accroissement de capital, prépare un gain annuel et perpétuel, non-seulement à celui qui a fait cette accumulation, mais à tous les gens dont l’industrie est mise en mouvement par cette portion du capital. Elle prépare un intérêt annuel au capitaliste qui a fait l’épargne, et des profits annuels aux industrieux qu’elle fait travailler. Perpétuellement consommée, elle est autant de fois reproduite pour être consommée de nouveau, de même que les profits qu’elle fait naître. Aussi le célèbre Adam Smith compare-t-il un homme frugal, qui augmente ses capitaux productifs, ne fût-ce que dans une seule occasion, à l’un des fondateurs d’une maison d’industrie où une société d’hommes laborieux seraient nourris à perpétuité des fruits de leur travail ; et un prodigue, au contraire, qui mange une partie de son capital, est comparé par lui à l’administrateur infidèle qui dilapiderait les biens d’une fondation pieuse, et laisserait sans ressources, non-seulement ceux qui y trouvaient leur subsistance, mais tous ceux qui l’y auraient trouvée par la suite. Il n’hésite pas à nommer le dissipateur un fléau public, et tout homme frugal et rangé, un bienfaiteur de la société[1].

Il est heureux que l’intérêt personnel veille sans cesse à la conservation des capitaux des particuliers, et qu’on ne puisse en aucun temps distraire

  1. Rich. des Nat., livre II, chap. 5. Lord Lauderdale, dans un livre intitulé : Recherches sur la nature et l’origine de la richesse publique, a cru prouver, contre Smith, que l’accumulation des capitaux était nuisible à l’accroissement de la richesse, il se fonde sur ce que l’accumulation retire de la circulation des valeurs qui seraient favorables à l’industrie. C’est une erreur. Ni le capital productif, ni ses accroissemens, ne sont retirés de la circulation. Autrement, ce capital demeurerait oisif, et ne rapporterait aucun profit. Bien au contraire, l’entrepreneur qui en fait usage, l’emploie, le dépense, le consomme tout entier ; mais c’est de manière à le reproduire, et même avec profit. Je fais remarquer cette erreur de lord Lauderdale, parce qu’elle sert de base à d’autres ouvrages d’économie politique, dont, par conséquent, toutes les déductions sont fausses, partant d’un principe faux.