Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
PRÉLIMINAIRE.

vaste expérience et d’un raisonnement sûr, qui crient au système chaque fois qu’on sort de leur routine, sont précisément ceux qui ont le plus de systèmes, et qui les soutiennent avec l’opiniâtreté de la sottise, c’est-à-dire, avec la crainte d’être convaincus, plutôt qu’avec le désir d’arriver au vrai. Ainsi, établissez sur l’ensemble des phénomènes de la production et sur l’expérience du commerce le plus relevé, que les communications libres entre les nations sont mutuellement avantageuses, et que la manière de s’acquitter envers l’étranger qui convient le mieux aux particuliers, est aussi celle qui convient le mieux aux nations : les gens à vues étroites et à présomption large vous accuseront de système. Questionnez-les sur leurs motifs : ils vous parleront balance du commerce ; ils vous diront qu’il est clair qu’on se ruine si l’on donne son numéraire contre des marchandises… et cela même est un système. D’autres vous diront que la circulation enrichit un état, et qu’une somme d’argent qui passe dans vingt mains différentes équivaut à vingt fois sa valeur… c’est encore un système. D’autres vous diront que le luxe est favorable à l’industrie, que l’économie ruine tout commerce… c’est toujours un système ; et tous diront qu’ils ont les faits pour eux ; semblables à ce pâtre qui, sur la foi de ses yeux, affirme que le soleil, qu’il voit se lever le matin et se coucher le soir, parcourt dans la journée toute l’étendue des cieux, et traite en conséquence de rêveries toutes les lois du monde planétaire. D’autres personnes habiles dans d’autres sciences, et trop étrangères à celle-ci, s’imaginent, de leur côté, qu’il n’y a d’idées positives que les vérités mathématiques et les observations faites avec soin dans les sciences naturelles ; elles s’imaginent qu’il n’y a pas de faits constans et de vérités incontestables dans les sciences morales et politiques ; qu’elles ne sont point par conséquent de véritables sciences, mais seulement des