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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

temps qu’elle se couvrirait de moissons. De toute manière, une stipulation de valeurs pour un terme éloigné est nécessairement vague, et ne peut donner aucune assurance de la valeur qu’on recevra.

La plus mauvaise de toutes les stipulations serait celle qui stipulerait en monnaie nominale ; car ce nom pouvant s’appliquer à des valeurs diverses, ce serait stipuler un mot plutôt qu’une valeur, et s’exposer à payer ou à être payé en paroles.

Si je me suis arrêté à combattre des expressions inexactes, c’est qu’elles m’ont semblé trop répandues, qu’elles suffisent quelquefois pour établir des idées fausses, que les idées fausses deviennent souvent la base d’un faux système, et que d’un faux système enfin naissent les mauvaises opérations.

CHAPITRE XXVIII.

D’une attention qu’il faut avoir en évaluant les sommes dont il est fait mention dans l’histoire.

Les écrivains les plus éclairés, lorsqu’ils évaluent en monnaies de notre temps les sommes dont il est fait mention dans l’histoire, se contentent de réduire en monnaie courante la quantité d’or ou d’argent contenue dans la somme ancienne. Cela donne au lecteur une très-fausse idée de la valeur de cette somme ; car l’argent et l’or ont beaucoup perdu de leur valeur.

Comme, d’après les observations qui se trouvent dans le précédent chapitre, on a lieu de croire que la valeur du blé, année commune, a moins varié que celle d’aucune autre marchandise, et bien sûrement beaucoup moins que celle des métaux précieux, les auteurs transmettraient une idée bien plus juste d’une valeur ancienne en nous disant ce qu’elle pouvait acheter de blé ; et si cette quantité de blé ne portait pas à notre esprit une idée assez nette de la valeur ancienne, on pourrait la traduire en monnaie courante au prix moyen du blé à l’époque où nous sommes.

Des exemples feront mieux sentir la nécessité de ce moyen de réduction.

Démocède, médecin de Crotone, s’étant retiré à Égine, y déploya tant d’habileté dans sa profession, que les Éginètes, pour l’attacher à leur ville, lui assignèrent, sur le trésor public, une pension annuelle d’un talent. Si nous voulons connaître l’étendue de cette munificence, et en même temps la valeur de la somme appelée du nom de talent, nous chercherons