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DISCOURS

Comment, en effet, connaître les causes qui procurent l’opulence aux nations, quand on n’a pas des idées claires sur la nature des richesses elles-mêmes ? Il faut connaître le but avant de chercher les moyens. En 1776, Adam Smith, sorti de cette école écossaise qui a donné tant de littérateurs, d’historiens, de philosophes et de savants du premier ordre, publia son livre intitulé : Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des nations. Il démontra que la richesse était la valeur échangeable des choses ; qu’on était d’autant plus riche qu’on avait plus de choses qui eussent de la valeur ; et que, comme la valeur pouvait être donnée, ajoutée à une matière, la richesse pouvait se créer, se fixer dans des choses auparavant dépourvues de valeur, s’y conserver, s’accumuler, se détruire[1].

Cherchant ce qui donne aux choses cette valeur, Smith trouve que c’est le travail de l’homme, qu’il aurait dû appeler industrie, parce que le mot industrie embrasse des parties que le mot travail n’embrasse pas. Il tire de cette démonstration féconde, des conséquences multipliées et importantes sur les causes qui, nuisant au développement des facultés productives, nuisent à la multiplication des richesses ; et comme ce sont des conséquences rigoureuses d’un principe incontestable, elles

  1. La même année où parut l’ouvrage de Smith, et immédiatement avant sa publication, Browne Dignan publia à Londres, en français, un Essai sur les principes de l’économie publique, où l’on trouve ce passage remarquable : « La classe des reproducteurs renferme ces hommes qui, associant leur travail à celui de la végétation de la terre, ou modifiant les productions de la nature par l’exercice des arts et des métiers, créent en quelque sorte un nouvelle valeur, dont la somme totale forme ce qu’on appelle la reproduction annuelle. »

    Ce passage, où la reproduction est plus clairement caractérisée qu’elle ne l’est dans aucun endroit de Smith, ne conduit à rien son auteur, qui n’enfante que des idées éparses. Le défaut de liaison dans les pensées et de précision dans les termes, donne à son ouvrage quelque chose de vague et d’obscur, d’où il ne peut sortir aucune instruction.