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PRÉLIMINAIRE.

n’ont été attaquées que par des personnes trop légères pour avoir bien conçu le principe, ou par des esprits naturellement faux, et par conséquent incapables de saisir la liaison et le rapport de deux idées. Lorsqu’on lit Smith comme il mérite d’être lu, on s’aperçoit qu’il n’y avait pas avant lui d’économie politique.

Dès-lors l’argent et l’or monnayés ne sont devenus qu’une portion, et même une petite portion de nos richesses, une portion peu importante en ce qu’elle est peu susceptible de s’accroître, et parce que ses usages peuvent être plus facilement suppléés que ceux de beaucoup d’autres choses également précieuses ; d’où il résulte que la société, de même que les particuliers, ne sont nullement intéressés à s’en procurer par-delà ce qu’exigent les besoins bornés qu’ils en ont.

On conçoit que ces vues ont mis Smith en état de déterminer le premier, dans toute leur étendue, les vraies fonctions de la monnaie dans la société ; et les applications qu’il en fait aux billets de banque et aux papiers-monnaie, sont de la plus grande importance dans la pratique. Elles lui ont fourni les moyens de prouver qu’un capital productif ne consiste point dans une somme d’argent, mais dans la valeur des choses qui servent à la production. Il classe, il analyse ces choses qui composent les capitaux productifs de la société, et en montre les véritables fonctions[1].

Avant Smith, on avait avancé plusieurs fois des principes très vrais[2] : il a montré le premier pourquoi ils étaient vrais. Il a

  1. Smith n’a peut-être pas traité ce sujet délicat avec un ordre et une clarté suffisans ; tellement qu’un de ses compatriotes, qui pourtant a de l’esprit, lord Lauderdale, a fait un livre entier pour prouver qu’il n’avait rien compris à cette partie de l’ouvrage de Smith.
  2. Quesnay dans l’Encyclopédie, article Grains, avait dit que « les denrées qui peuvent se vendre doivent toujours être regardées indifféremment comme richesses pécuniaires et comme richesses réelles, dont les sujets peuvent user comme il leur convient. » Voilà la valeur échangeable de Smith. Verri avait dit (ch.3) que la reproduction n’était autre chose qu’une reproduction de valeurs et que la valeur des choses était la richesse. Galiani, ainsi que nous l’avons vu plus haut, avait dit que le travail était la source de toute valeur ; mais Smith s’est rendu propres ces idées en les liants, comme on voit, à tous les autres phénomènes, et en les prouvant par leurs conséquences mêmes.