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LIVRE SECOND. — CHAPITRE I.

La valeur relative de deux produits se connaît par la quantité de chacun d’eux, que l’on peut obtenir pour le même prix. Si pour une somme de 4 francs je peux acheter 15 kilogrammes de froment et 1 kilogramme de café, je dirai que le café est 15 fois plus cher que le froment, ou que la valeur de l’un et de l’autre est en raison inverse de la quantité de chacun d’eux que l’on consent à donner et à recevoir. Mais ces deux quantités sont un effet de la valeur qu’ont les choses, et n’en sont pas la cause. Le motif qui détermine les hommes à faire un sacrifice quelconque pour se rendre possesseurs d’un produit, est le besoin que ce produit peut satisfaire, la jouissance qui peut naître de son usage[1]. Or, l’action de cette cause première reçoit plusieurs modifications importantes.

Les facultés des consommateurs sont très-diverses ; ils ne peuvent acquérir les produits dont ils ont envie qu’en offrant d’autres produits de leur propre création, ou plutôt de la création de leurs fonds productifs, qui se composent, on doit s’en souvenir, de la capacité industrielle des hommes, et des propriétés productives de leurs terres et de leurs capitaux ; l’ensemble de ces fonds compose leur fortune. Les produits qui résultent du service qu’ils peuvent rendre, ont des bornes, et chaque consommateur ne peut acheter qu’une quantité de produits proportionnée à ce que lui-même peut produire. De ces facultés individuelles résulte une faculté, une possibilité générale en chaque nation d’acheter les choses qui sont propres à satisfaire les besoins de cette nation. En d’autres mots, chaque nation ne peut consommer qu’en proportion de ce qu’elle produit.

Ce qu’elle peut produire ne dépend pas uniquement de l’étendue de ses fonds productifs, mais encore de ses goûts. Pour une nation apathique et paresseuse, les jouissances qui naissent du développement de nos facultés physiques et intellectuelles, et celles que procurent les richesses, ne valent pas le bonheur de ne rien faire. Les hommes n’y produisent pas autant

  1. Remarquons en passant que ce n’est pas sans un sentiment quelconque de peine que nous éprouvons des besoins, et sans un sentiment correspondant de plaisir, que nous parvenons à les satisfaire ; d’où il résulte que les expressions : pourvoir à nos besoins, multiplier nos jouissances, et même contenter nos goûts, présentent des idées du même genre, et qui ne diffèrent entre elles que par des nuances.