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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

qu’on les voit produire chez une nation plus développée. Quoi qu’il en soit, chaque individu, ou chaque famille (car en économie politique on peut considérer les familles comme des individus, puisqu’elles ont des goûts, des ressources et des intérêts communs), sont obligés de faire une sorte de classement de leurs besoins pour satisfaire ceux auxquels ils attachent plus d’importance, préférablement à ceux auxquels ils en attachent moins. Ce cassement exerce une fort grande influence sur le bonheur des familles et de l’humanité en général. La morale la plus utile est peut-être celle qui fournit aux hommes des notions pour le faire judicieusement ; mais cette considération n’est pas ce qui doit nous occuper ici ; nous ne considérons encore ce classement que comme une chose de fait et d’observation. Or, il est de fait que chaque homme, soit en vertu d’un plan arrêté d’avance, soit pour obéir aux habitudes prises, ou aux impulsions du moment, au moyen du revenu dont il dispose et quelle qu’en soit la source, fait telle dépense préférablement à telle autre ; et lorsqu’il est arrivé ainsi aux bornes de ses facultés, il s’arrête et ne dépense plus rien, à moins qu’il ne dépense le revenu d’une autre personne ; alors cette autre personne dépense d’autant moins : la conséquence est forcée.

De là naît pour chaque produit une certaine quantité recherchée et demandée en chaque lieu, quantité qui est modifiée par le prix auquel il peut être fourni ; car plus il revient cher au producteur en raison des frais de production dont il est le résultat, et plus, dans la classification qu’en font les consommateurs, il est reculé et se voit préférer tous les produits capables de procurer une satisfaction plus grande pour le même prix.

En même temps que la quantité demandée de chaque produit est modifiée par ses frais de production, elle l’est par le nombre de ses consommateurs, par le nombre des personnes qui éprouvent le besoin de le consommer et qui ont en même temps les moyens de se satisfaire. Les fortunes, en tout pays, s’élèvent par gradations insensibles, depuis les plus petites fortunes, qui sont les plus multipliées, jusqu’à la plus grande qui est unique. Il en résulte que les produits, qui sont tous désirables pour la plupart des hommes, ne sont néanmoins demandés réellement, et avec la faculté de les acquérir, que par un certain nombre d’entre eux ; et par ceux-ci, en plus ou moins grande abondance. Il en résulte encore que le même produit ou plusieurs produits, sans que leur utilité intrinsèque soit devenue plus grande, sont plus demandés à mesure qu’ils sont à plus bas prix, parce qu’alors ils se répandent dans une région où la pyramide des fortunes est plus large, et qu’ils se trouvent à la portée d’un plus grand