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PRÉLIMINAIRE.

la somme des richesses[1] ? — Les frais de production composant le revenu des producteurs, comment les revenus ne sont-ils pas altérés par une diminution dans les frais de production ? Or, c’est la faculté de pouvoir résoudre ces questions épineuses, qui constitue pourtant la science de l’économie politique[2]

  1. Smith établit bien la différence qui se trouve entre le prix réel et le prix nominal des choses, entre la quantité de valeurs réelles qu’on donne pour avoir une chose, et le nom qu’on donne à cette somme de valeurs. La différence dont il est ici question, porte sur une analyse plus forte, et où le prix réel lui-même est décomposé.
  2. Ce n’est par exemple, qu’après qu’on sait bien de quelle manière s’opère la production, que l’on peut dire jusqu’à quel point y concourt la circulation de l’argent et des marchandises, et par conséquent quelle circulation est utile et quelle ne l’est pas ; autrement on ne peut que déraisonner, comme on le fait journellement, sur l’utilité d’une circulation active. Si je me suis cru obligé de faire un chapitre sur ce point (liv. Ier, chap.16), il ne faut l’attribuer qu’à l’état peu avancé de nos connaissances en économie politique, et à la nécessité de mettre sur la voie des plus simples applications. J’en pourrais dire autant sur le chapitre 20 du même Livre, au sujet des Voyages et de l’expatriation par rapport à la richesse nationale. Il n’est personne qui, bien au fait des principes, ne put refaire ces chapitres la plus grande facilité.

    Il ne sera bientôt plus permis d’écrire, non seulement sur les finances, mais sur l’histoire, sur la géographie, sans connaitre au moins les fondements de l’économie politique. Je lis dans un Traité moderne de Géographie universelle (t. II, p.602). Ouvrage qui dénote d’ailleurs beaucoup de recherche et de connaissances, que « le nombre des habitans d’un pays est la base de tout bon système de finances ; que plus il y a d’individus, plus le commerce et les manufactures peuvent prendre d’essor ; que c’est sur le nombre d’habitans que se mesure celui des troupes. » Malheureusement il n’y a pas une de ces observations qui ne soit une erreur. Les revenus d’un gouvernement, étant nécessairement composés, soit du revenu des domaines publics, soit de ce qu’on prélève par l’impôt sur le revenu des particuliers, ne dépendent pas du nombre de ceux-ci, mais de leurs richesses, et surtout de leurs revenus : or, une multitude pauvre a d’autant moins de contributions à fournir, qu’elle a plus de bouches à nourrir. Le nombre des individus n’est pas ce qui contribue le plus à favoriser le commerce : ce qui y contribue en première ligne, ce sont les capitaux et le génie des habitans ; ce sont eux qui favorisent la population bien plus qu’ils n’en sont favorisés. Enfin, le nombre de troupes qu’un gouvernement peut entretenir, dépend encore moins de la population du pays que de ses revenus, et l’on vient de voir que les revenus ne dépendent pas de la population.