Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
DISCOURS

Smith a borné le domaine de cette science en réservant exclusivement le nom de richesses aux valeurs fixées dans des substances matérielles. Il devait y comprendre aussi des valeurs qui, bien qu’immatérielles, n’en sont pas moins réelles, comme sont tous les talens naturels ou acquis. De deux personnes également dépourvues de biens, celle qui a le plus de talent est moins pauvre que l’autre. Celle qui a acquis un talent au prix d’un sacrifice annuel, jouit d’un capital accumulé ; et cette richesse, quoique immatérielle, est néanmoins si peu fictive, qu’on échange journellement l’exercice de son art contre de l’argent et de l’or.

Smith, qui explique avec tant de sagacité la manière dont la production a lieu, et les circonstances où elle a lieu, dans l’agriculture et les arts, ne donne que des idées confuses sur la manière dont le commerce est productif ; ce qui l’empêche de déterminer avec précision pour quelle raison et jusqu’à quel point la facilité des communications contribue à la production.

Il ne soumet pas à l’analyse les différentes opérations comprises sous le nom général d’industrie, ou, comme il l’appelle, de travail, et ne peut par conséquent apprécier l’importance de chacune de ces opérations dans l’œuvre de la production.

Il n’offre rien de complet, rien de bien lié sur la manière dont les richesses se distribuent dans la société, et je remarquerai que cette partie de l’économie politique offrait un champ presque neuf à défricher ; car les écrivains économiques, se fesant des idées trop peu justes de la production des richesses, ne pouvaient en avoir d’exactes sur leur distribution[1].

Enfin, quoique le phénomène de la consommation des ri-

  1. Témoin les Réflexions de Turgot sur la formation et la distribution des richesses, où il donne beaucoup d’idées entièrement fausses de l’une et de l’autre, et où celles qui ne sont pas fausses sont incomplètes.