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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

tenir chez l’une et chez l’autre d’une même quantité de services productifs.

Dans une société un peu avancée, chaque particulier consomme beaucoup moins les produits qu’il a créés que ceux qu’il achète avec ceux qu’il a créés. Ce qu’il y a de plus important pour chaque producteur, c’est donc la quantité des produits qui ne sont pas de sa création, et qu’il pourra obtenir avec ceux qui sortiront de ses mains. Si mes terres, mes capitaux et mes facultés sont engagés par exemple, dans la culture du safran, ma consommation de safran étant nulle, mon revenu se compose de la quantité de choses que je pourrai acheter avec ma récolte de safran ; et cette quantité de choses sera plus considérable si le safran renchérit, mais aussi le revenu des acheteurs de safran sera diminué de tout l’excédant de prix que je parviendrai à leur faire payer.

L’effet contraire aura lieu si je suis forcé de vendre mes produits à bas prix. Alors le revenu des acheteurs devient plus considérable, mais c’est aux dépens du mien.

Il ne faut pas perdre de vue que lorsque je parle ici de bas prix, de prix élevé, je n’entends parler que du rapport entre les produits que l’on vend et ceux que l’on achète, et nullement du prix en monnaie qui ne sert que comme un moyen d’évaluer les uns et les autres, et qui n’a aucune influence sur l’importance des revenus. Si l’argent est précieux et cher, on m’en donnera moins pour le produit qui est de ma création ; mais aussi je n’aurai pas tant à en donner pour le produit qui doit satisfaire à mes besoins ; tandis que si je suis obligé de donner beaucoup du produit que je fais pour recevoir peu de ceux que je consomme, quelle que soit la valeur de l’argent, mon revenu est moins considérable.

C’est seulement sous ce rapport que la valeur relative des produits affecte les revenus des particuliers ; et les gains qu’un changement accidentel qui survient dans cette valeur, procure aux uns, est compensé par la perte qui en résulte pour les autres. Quant au revenu général de la nation, il n’est affecté que par un changement dans la quantité de services que je fournis par rapport à la quantité de produits que j’obtiens. Quand j’économise sur mes frais de production, et que je trouve le moyen, par exemple, de faire venir sur un arpent ce qui en exigeait deux, de terminer en deux jours ce qu’on ne pouvait exécuter qu’en quatre, etc., dès ce moment le revenu de la société est accru de tout ce que j’épargne. Mais au profit de qui cet accroissement de revenu tourne-t-il ? à mon profit aussi long-temps que je réussis à tenir mes procédés secrets ; au profit du consommateur, lorsque la publicité des procédés me force, par la concur-