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LIVRE SECOND. — CHAPITRE IV.

rence qu’elle établit, à baisser mon prix au niveau des frais de production.

Quelles que soient les transformations que les échanges font subir à la valeur des services productifs qui composent primitivement tout revenu, ce revenu est toujours existant jusqu’à ce qu’il soit détruit par la consommation. Si mon revenu est le service productif d’une terre, il existe encore après qu’il est, par la production, changé en sacs de blé ; il existe encore quand ces sacs de blé sont changés en écus, quoique l’acheteur de mon blé l’ait consommé. Mais lorsque j’ai acheté une chose avec ces écus, et que j’ai consommé ou fait consommer cette chose, dès ce moment la valeur qui composait mon revenu a cessé d’exister ; mon revenu est consommé, détruit, bien que les écus dans lesquels il a été passagèrement transformé subsistent encore. Il ne faut pas croire qu’il soit perdu pour moi seul, et qu’il continue à exister pour ceux entre les mains de qui ont passé les écus. Il est perdu pour tout le monde. Le possesseur des mêmes écus n’a pu les obtenir qu’au prix d’un autre revenu, ou d’un fonds dont il a disposé.

Lorsqu’on ajoute à un capital des valeurs qui proviennent d’un revenu, elles cessent d’exister comme revenu, et ne peuvent plus servir à la satisfaction des besoins de leur possesseur ; elles existent comme capital ; elles sont consommées à la manière des capitaux, consommation qui n’est qu’une espèce d’avance dont on est remboursé par la valeur des produits.

Quand on loue son capital, ou sa terre, ou son temps, on abandonne au locataire ou entrepreneur, les services de ces fonds productifs, moyennant une somme ou une quantité de produits déterminée d’avance. C’est une espèce de marché à forfait, sur lequel le locataire peut perdre ou gagner, selon que le revenu réel (les produits qu’il a obtenus au moyen des fonds dont on lui a laissé l’usage) vaut moins ou vaut plus que le prix qu’il en paie. Mais il n’y a pas pour cela double revenu produit. Quand même un capital prêté à un entrepreneur, rapporterait à ce dernier 10 pour cent par an, au lieu de 5 pour cent qu’il paie peut-être à son prêteur, le revenu provenant du service rendu par le capital ne serait pas néanmoins de 10 pour cent ; car ce revenu comprend à la fois une rétribution pour le service productif du capital, et une autre rétribution pour le service productif de l’industrie qui le met en action.

En me résumant, le revenu réel d’un particulier est proportionné à la quantité de produits dont il peut disposer, soit directement par ses fonds productifs, soit après avoir effectué les échanges qui mettent son revenu primitif sous une forme consommable. Cette quantité de produits, ou, si