Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
PRÉLIMINAIRE.

L’excellence d’un ouvrage littéraire se compose autant de ce qui ne s’y trouve pas que de ce qui s’y trouve. Tant de détails grossissent le livre, non pas inutilement, mais inutilement pour son objet principal, qui est le développement des principes de l’économie politique. De même que Bacon a fait sentir le vide de la philosophie d’Aristote, Smith a fait sentir la fausseté de tous les systèmes d’économie ; mais il n’a pas plus élevé l’édifice de cette science, que Bacon n’a créé la logique. C’est déjà une assez belle obligation que nous avons à l’un comme à l’autre, que d’avoir ôté à leurs successeurs la malheureuse possibilité de marcher long-temps avec succès dans une mauvaise route[1].

Cependant on n’avait pas encore de véritable traité d’économie politique ; on n’avait point d’ouvrage où de bonnes observations fussent ramenées à des principes généraux qui pussent être avoués de tous les hommes judicieux ; où ces observations et ces principes fussent complétés et coordonnés de manière à se fortifier les uns par les autres, et à pouvoir être étudiés avec fruit dans tous les temps et dans tous les lieux. Pour me mettre en état d’essayer cet utile ouvrage, j’ai dû étu-

  1. Depuis Smith, on a fait, soit en Angleterre, soit en France, sur l’économie politique, un grand nombre de brochures, dont quelques-unes ont plusieurs volumes, sans en être moins des brochures, c’est à dire qu’on ait plus de motifs de les conserver comme dépôts d’une instruction durable. La plupart sont des écrits polémiques, où des principes ne sont posés que pour servir d’appui à une thèse donnée ; mais où l’on peut cependant recueillir des faits précieux, et même des principes sains, lorsqu’ils sont favorables au but principal de leurs auteurs. Tels sont l’Essai sur les finances de la Grande-Bretagne, par Gentz, qui est une apologie du système financier de Pitt ; les Recherches sur la nature des effets du crédit, etc., par Thornton, dont le but est de justifier la suspension des paiements en espèces de la banque d’Angleterre ; le Coup-d’œil sur la force et l’opulence de la Grande-Bretagne, par Clarke, qui n’est qu’un manifeste contre la révolution de France ; ainsi qu’un grand nombre d’autres écrits sur les mêmes matières et sur la législation des grains.