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LIVRE SECOND. — CHAPITRE IX.

qu’il a reçu de cette vente, et qui était offert auparavant par Théodon.

Ce qui change véritablement la quantité de services fonciers offerts et mis dans la circulation, ce sont des défrichemens, des terres mises en valeur ou dont le produit est augmenté. Des épargnes, des capitaux sont, par le moyen des améliorations foncières, transformés en fonds de terre, et participent à tous les avantages et à tous les inconvéniens de ces derniers. On en peut dire autant des maisons et de tous les capitaux engagés d’une façon immobilière : ils perdent leur nature de capitaux et prennent la nature des fonds de terre ; ils détruisent une partie des capitaux de la nation, mais ils étendent son territoire[1].

Les circonstances qui environnent un fonds de terre, c’est-à-dire le besoin qu’on éprouve de ses produits, varient à l’infini. Les qualités des terrains sont aussi diverses que leurs positions ; il s’établit en conséquence une offre et une demande différente pour chaque qualité différente. Une fois que les circonstances établissent une certaine demande pour les vins, l’étendue de cette demande sert de base à la demande qu’on fait du service territorial nécessaire pour faire des vins, et l’étendue des terres propres à cette culture forme la quantité offerte de ce service foncier. Si les terres favorables à la production des bons vins sont très-bornées en étendue, et la demande de ces vins très-considérable, les profits fonciers de ces terres seront énormes[2].

  1. Lorsque les améliorations foncières sont prises sur des revenus, elles augmentent le territoire sans diminuer les capitaux. Si la France avait joui, à quelque époque que ce fût, d’un gouvernement économique, et qu’elle eût employé à fertiliser des provinces au centre du royaume l’argent qu’elle a dépensé à conquérir des provinces éloignées et des colonies qu’on ne pouvait conserver, elle serait bien plus heureuse et plus puissante. Les routes, les chemins vicinaux, les canaux d’irrigation et de navigation sont des moyens qu’un gouvernement a toujours à sa disposition de fertiliser des provinces qui ne produisent pas. La production est toujours chère dans une province lorsque beaucoup de frais sont nécessaires pour en transporter les produits. Une conquête intérieure augmente indubitablement la force d’un état, tandis qu’une conquête éloignée l’affaiblit presque toujours. Tout ce qui fait la force de la Grande-Bretagne est dans la Grande-Bretagne ; Elle a été plus forte en perdant l’Amérique ; elle le sera davantage quand elle aura perdu les Grandes-Indes.
  2. La proportion entre les quantités offres et demandées des services industriels et des services capitaux sert bien aussi de base aux profits obtenus par ces services ; mais comme les capitaux et les travaux peuvent se rendre aux lieux où ils recueillent de gros profits et se retirer, ou du moins cesser de s’offrir pour les emplois où ils en recueillent de trop faibles, leurs services, à qualités égales, ne rendent pas des profits aussi divers. Je ne parle pas ici des capitaux engagés dans un fonds de terre et qui sont devenus aussi immobiles que le fonds. Il y a même des travaux industriels qui sont, jusqu’à un certain point, engagés comme des capitaux : quand les vignerons de Bourgogne ne gagnent pas de quoi vivre, il ne leur vient jamais l’idée d’aller offrir leurs services aux environs de Bordeaux, où ils sont payés.