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LIVRE SECOND. — CHAPITRE XI.

Il me semble qu’on a pas tiré de là une conséquence qui était pourtant bien naturelle ; c’est que rien ne peut accroître la population que ce qui favorise la production, et que rien ne la peut diminuer, au moins d’une manière permanente, que ce qui attaque les sources de la production.

Les juifs honorèrent la fécondité. Les romains firent des réglemens sans fin pour réparer les pertes d’hommes que leurs guerres continuelles et lointaines occasionnaient. Les censeurs recommandaient les mariages ; on était considéré en proportion du nombre de ses enfans. Tout cela ne servait à rien. La difficulté n’est pas de faire des enfans, mais de les entretenir. Il fallait créer des produits au lieu de causer des dévastations. Tant de beaux réglemens n’empêchèrent point, même avant l’invasion des barbares, la dépopulation de l’Italie et de la Grèce[1].

Ce fut tout aussi vainement que Louis XIV, par son édit de 1666 en faveur du mariage, donna des pensions à ceux qui auraient dix enfans, et de plus fortes à ceux qui en auraient douze. Les primes que, sous mille formes diverses, il donnait au désœuvrement et à l’inutilité, causaient bien plus de tort à la population que ces faibles encouragemens ne pouvaient lui faire de bien.

On répète tous les jours que le nouveau monde a dépeuplé l’Espagne : ce sont ses mauvaises institutions qui l’ont dépeuplée, et le peu de productions que fournit le pays relativement à son étendue[2].

Ce qui encourage véritablement la population, c’est une industrie active qui donne beaucoup de produits. Elle pullule dans tous les cantons industrieux ; et quand un sol vierge conspire avec l’activité d’une nation entière qui n’admet point de désœuvrés, ses progrès sont étonnans, comme aux États-Unis, où elle double tous les vingt ans.

  1. Voyez Tite-Live, liv. VI ; Plutarque, Œuvres morales, Des Oracles qui ont cessé ; Strabon, liv. VII.
  2. Ustariz remarquait que les provinces d’Espagne qui envoyaient le plus de monde aux Indes, étaient les plus peuplées.