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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

ses agens reçoivent, ils le restituent en le dépensant. C’est une erreur, et une erreur dont les suites ont été déplorables, en ce qu’elles ont entraîné d’énormes dilapidations commises sans remords. La valeur fournie par le contribuable est livrée gratuitement ; le gouvernement s’en sert pour acheter un travail, des objets de consommation, des produits, en un mot, qui ont une valeur équivalente, et qu’on lui livre. Un achat n’est pas une restitution[1].

De quelque manière qu’on présente cette opération, quelque compliquée qu’elle soit bien souvent dans l’exécution, elle se réduira toujours par l’analyse à ce qui vient d’être dit. Toujours un produit consommé est une valeur perdue, quel que soit le consommateur ; et elle est perdue sans compensation par celui qui ne reçoit rien en retour ; mais ici il faut regarder comme un retour l’avantage que le contribuable retire du service de l’homme public, ou de la consommation qui se fait pour l’utilité générale.

Si les dépenses publiques affectent la somme des richesses précisément de la même manière que les dépenses privées, les mêmes principes d’économie doivent présider aux unes et aux autres. Il n’y a pas plus deux sortes d’économie, qu’il n’y a deux sortes de probité, deux sortes de morale. Si un gouvernement comme un particulier font des consommations desquelles il doive résulter une production de valeur supérieure à la valeur consommée, ils exercent une industrie productive ; si la valeur consommée n’a laissé aucun produit, c’est une valeur perdue pour l’un comme pour l’autre ; mais qui, en se dissipant, a fort bien pu rendre le service qu’on en attendait. Les munitions de guerre et de bouche, le temps et les travaux des fonctionnaires civils et militaires qui ont servi à la défense de l’état, n’existent plus, quoique ayant été parfaitement bien employés ; il en est de ces choses comme des denrées et des services qu’une famille a consommés pour son usage. Cet emploi n’a présenté aucun avantage autre que la satisfaction d’un besoin ; mais si le besoin était réel, s’il a été satisfait aux meilleures conditions possibles, cette compensation suffit pour ba-

  1. Robert Hamilton, dans son excellent écrit sur la Dette nationale d’Angleterre, fait sentir le ridicule de l’assertion que je combats, en la comparant à celle d’un voleur qui, après avoir dérobé la caisse d’un négociant, lui dirait : Je vais employer tout cet argent à vous acheter des denrées de votre commerce. De quoi vous plaignez-vous ? n’aurez-vous pas tout votre argent ? et de plus, n’est-ce pas un encouragement pour votre industrie ? L’encouragement que donne le gouvernement en dépensant l’argent des contributions, est exactement le même que celui-là.